François-Xavier Freland – Les amours d'été sont-elles solubles dans le monde réel? Avec "Un été à Anafi", l'écrivain et journaliste François-Xavier Freland embarque son lectorat dans la toute petite île grecque d'Anafi à la suite d'Antoine, qui vient passer trois semaines de villégiature dans le coin. Et il s'éprend d'une jeune femme, Diane...
Avant de parler d'amour, parlons de contexte. L'auteur ancre son roman dans l'été 2021, au moyen d'éléments que chaque lecteur peut aisément constater même si aucun millésime n'est dit: la crise sanitaire est passée par là, et chacun peut faire son repérage au gré des éléments que l'auteur évoque, discrètement. Tel est l'élément le plus ponctuel utilisé par l'écrivain pour fixer sa chronologie.
De plus, la période de pandémie aura notoirement été celle de remises en question pour plus d'un employé aux fonctions ternes, et l'envie d'une vie plus qualitative est là aussi, tant au travers de Diane, qui a une longueur d'avance, que d'Antoine.
Mais l'air du temps, plus généralement, est aussi parfaitement installé dans "Un été à Anafi". Il est ainsi question de retour à la nature, de proximité villageoise, et même d'un certain néoruralisme auquel contribue l'entourage de Diane, souvent très nature, mais dans une lecture très citadine, idéologique, du retour aux sources. Le lecteur sent du reste que certains personnages qui s'en réclament parlent un peu faux, comme s'ils récitaient un texte – un artifice délibéré. Du coup, il attend le moment où l'orage doit éclater, immanquablement...
Si elle n'est pas tout à fait telle que la chasseresse de la mythologie antique, Diane incarne à sa manière l'image de la liberté dans "Un été à Amalfi". Serveuse dans un bar pour assurer la matérielle, elle aime se dénuder, pour la liberté de mouvement et le plaisir du corps. Elle aime qu'on l'aime. Mieux: elle aime, tout court, et fraie selon l'humeur. Elle sourit beaucoup, mais porte sa tristesse. Si libre qu'elle veuille paraître, farouche mais d'une manière qui paraît curieusement acquise, on la voit en effet plutôt, jusqu'à la caricature, comme l'idiote utile des chimères à base de communautés démocratiques où la voix des enfants pèserait autant que celle des adultes.
Quant à Antoine, le citadin invétéré qui travaille dans les ressources humaines, s'il est celui qui placera fermement Diane face à ses contradictions, il n'échappe pas au miroir que sa compagne d'un été, et plus généralement son séjour à Anafi, lui tend. On le voit jaloux et possessif, même s'il ne l'assume pas tout à fait. On le sent aussi avide en amour, parfois prêt à cogner, ce qui vaut au lecteur quelques scènes électriques, tempétueuses dans ce qui devrait n'être qu'une belle saison. Sauf que justement, la météo est trompeuse à Anafi. Dès lors, et le parallèle tracé par l'auteur apparaît très bien vu, les humeurs peuvent aussi s'avérer changeantes.
Décliné en courts chapitres qui apparaissent comme des instantanés, des clichés de vacances, "Un été à Anafi" n'a cependant rien de superficiel. Sa voie, déterminée, consiste à décrire avec une fine exactitude les aléas d'un amour d'aujourd'hui, malgré un contexte sanitaire et économique altéré (il sera aussi question de crise grecque et de tourisme de masse) et des divergences d'opinion qui sont autant de fissures sentimentales. Cela, en posant la question paradoxale: ces fissures ne sont-elles pas justement ce qui va rendre plus solide cet édifice amoureux qu'une femme et un homme, hantés par leur passé et par leurs passions du moment, foncièrement différents, envisagent de construire par passion?
François-Xavier Freland, Un été à Anafi, Paris, Intervalles, 2022.
Le site des éditions Intervalles.
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