Hélène Dormond – Vous avez aimé "L'Envol du Bourdon", vous allez adorer "Le Retour du Bourdon"! C'était un premier roman, c'est donc devenu une saga, signée de l'écrivaine vaudoise Hélène Dormond. Son personnage principal? Marcel Tribolet, un de ces bons Vaudois à la façon de Jean Villard-Gilles, en proie à un "déficit assertif assorti de troubles anxieux", passé virtuose dans l'art de se coucher pour éviter conflits et embrouilles. Cela, côté cœur (la belle Amandine l'a-telle friendzoné? question récurrente qui ne manquera pas d'exciter le lecteur...) comme côté travail.
En effet, si "L'Envol du Bourdon" brocardait gentiment les poncifs du développement personnel, "Le Retour du Bourdon" aborde de façon fine et amusée les modes et les travers du monde du travail. Si peu profilé que soit Marcel Tribolet, dont le totem est justement le bourdon – qui vole bas –, on le retrouve chef des finances d'une entreprise de papeterie plutôt ambitieuse.
La romancière brille lorsqu'elle dessine les relations que Tribolet entretient avec des subordonnés pas toujours faciles à gérer: le neveu d'une collègue qui n'en fiche pas une, un passionné de champignons qui blèse (j'ai bien dit blèse!) ou un chef qui ne manque pas de se faire passer pour un mâle alpha en se délectant de ces anglicismes qui, croit-il, font genre. Dans le flot de péripéties qui fait avancer le roman, chacun occupera le devant de la scène, à son tour, et il y aura quelques surprises.
Côté péripéties, en effet, l'auteure ne manque pas d'inventivité. Elle caricature à merveille les entretiens d'embauche improbables (Tribolet doit engager deux apprenties camionneuses), les exercices de team-building abstrus, les pièges entre collègues (ah, l'accorte serveuse longiligne du restaurant!) et les systèmes d'évaluation du personnel. Marcel Tribolet traverse chacune de ces péripéties à sa manière, cohérente avec sa conscience, acceptant les avantages (il s'est fait du bien avec la serveuse, qui aussi adoré ça, aha!...) et les inconvénients (il s'octroie une baisse de salaire parce qu'il ne veut pas léser ses talentueux subordonnés...).
Si la vie de bureau pousse constamment Marcel Tribolet aux limites du stress, il en va de même de sa vie privée, et la romancière charge la barque pour le plus grand délice du lecteur: madame Bally, la voisine encombrante mais si aimable est toujours là, avec son chat, et Amandine a désormais deux rats. Enfin, il y a cette bande de braves paumés carburant aux p'tits joints, menée par le maître du chien Godzilla...
Tout autour de Marcel Tribolet, si timoré qu'il en devient attachant, l'auteure fait donc danser toute une brochette de personnages joliment travaillés – tout au plus peut-on regretter qu'il ne soit pas fait davantage cas de la femme à face de rat, sans doute un peu perdue dans la vie elle aussi, qu'Amandine veut jeter dans les bras de Marcel. Cela dit, tout ce petit monde se bouscule gentiment, on finit par s'apprécier ou pas, et la ronde s'avère cocasse pour le lecteur, qui n'observera plus tout à fait son environnement de travail de la même façon une fois qu'il aura refermé ce roman enlevé, satirique mais dépourvu d'acrimonie, qu'est "Le Retour du Bourdon".
Et la dernière phrase du roman laisse ouverte la possibilité d'une suite...
Hélène Dormond, Le Retour du Bourdon, Prilly, Aux Presses Inverses, 2023.
Le site d'Hélène Dormond, celui des Editions Aux Presses Inverses.
J'aime beaucoup ce genre de roman qui critique de manière satirique le monde du travail et ses nombreux travers.
RépondreSupprimerBonjour Audrey! Ah oui, alors tu vas adorer! C'est exactement ça. Le premier roman, "L'Envol du Bourdon", est dans la même veine.
SupprimerBon dimanche à toi, et bon courage si tu es aussi en butte aux bizarreries du monde du travail!