jeudi 17 août 2023

Guy Mettan: force de la parole, force du silence

Guy Mettan – On connaissait Guy Mettan comme homme de presse et essayiste. Avec "Le Grand Zack", on le découvre auteur d'une fiction philosophique. Cet ouvrage bref se lit rapidement grâce à une structure où les personnages ont en général la parole, les éléments de décor étant rares, indiquant juste que l'on est dans le milieu des fonctionnaires internationaux.

L'ouvrage s'articule en deux temps: "Le Grand Zack" est également le titre de la deuxième partie du livre, la première, et la plus longue, étant intitulée "Le soulèvement de la raison". La deuxième partie, quant à elle, constitue un récit enchâssé, relaté par l'un des personnages de la première, Sapienza, femme de conviction ayant roulé sa bosse avant de s'installer en Afrique – son prénom suggère la sagesse, de manière transparente.

Plutôt des monologues...

Dans "Le soulèvement de la raison", Sapienza déroule avec passion sa vision du monde face à un ancien collègue, Abe. Elle est marquée par le désespoir envers l'humain, essentiellement occidental, et interroge son hypocrisie, le caractère intéressé de tout amour humain, les errements du progrès, allant même jusqu'à avancer certains arguments animalistes. Son vis-à-vis est plus modéré, mais c'est aussi que, moins penseur dans l'âme, il a moins à dire, et ce qu'il peut avancer s'avère prévisible pour Sapienza.

On peut dès lors regretter que, plutôt qu'à un vif échange d'arguments, le lecteur soit placé en présence d'une vision du monde déroulée par un seul personnage, sans adversité véritable – un peu comme dans "Mme Serpit-Coht décortique l'actualité" de Catherine Gaillard-Sarron, l'humour en moins. Dès lors, la lecture paraît dépourvue de toute dialectique, de toute recherche d'un argument supérieur résultant de la friction de deux intelligences. A moins que l'auteur ne soit à la recherche d'un autre effet! Voyons cela...

... et que vaut le silence?

La deuxième partie, éponyme, apparaît assez semblable à la première dans sa structure, avec un homme qui parle à un autre. Les personnages sont ici transparents: Zack, c'est l'avatar de Mark Zuckerberg; son vis-à-vis, nommé de manière plus allusive, c'est celui de Julian Assange – Rückengel en allemand, Angelbottom en anglais... Le discours du Grand Zack a tout de la proposition d'un pacte avec le Diable, l'autre n'ayant qu'à renier ses convictions pour vivre à nouveau normalement. Quant à l'autre, il reste muet. 

Le lecteur aura alors deux impressions: alors même que Sapienza, celle qui a raconté l'histoire du Grand Zack, domine le dialogue au moyen de son abondante parole, c'est par son silence, qui sera sa force, que le vis-à-vis de Zack l'emporte. Parler ou se taire, qu'est-ce qui est le plus sage, alors?

La manière de faire avancer le discours peut donc paraître unilatérale dans les deux cas, et il est permis de le regretter – de même que la longueur de la première partie, qui apparaît comme un long préambule à l'assez bref pologue relaté dans la deuxième partie. Il n'empêche: ancré dans une époque qui est la nôtre, cependant, "Le Grand Zack" donne quelques pistes de réflexion sur le monde dans lequel nous vivons, ses faux-semblants et sa bien-pensance à géométrie variable, à partir de quelques éléments de l'actualité toute récente: un photographe qui meurt de froid à Paris, un virus qui justifie toutes sortes de contraintes, un conflit en Ukraine et des enfants qui meurent ailleurs... 

Guy Mettan, Le Grand Zack, Genève, Editions des Syrtes/Paris, L'Inventaire, 2022.

Le site de Guy Mettan, le site des Editions des Syrtes, celui des Editions de L'Inventaire.

Lu par Christian Campiche, Francis Richard.


2 commentaires:

  1. Je ne connais pas vraiment... ça a l'air exigeant, tout de même.

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    1. Bonjour Violette!
      C'est un livre plutôt court, au contraire, et tout à fait abordable! A essayer peut-être, mais je me demande un peu si je m'en souviendrai encore dans quelque temps. De l'autre côté, il faudra que je tente les essais de cet auteur aussi.
      Bon dimanche à toi!

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