vendredi 25 août 2023

Des doudous pour les grands

Nicolas Ancion –  On pourrait croire que "Ecrivain cherche place concierge" est un roman parmi d'autres sur la condition d'écrivain. Ce n'est pas faux, mais considérer que ce n'est que cela serait mal connaître l'astucieux écrivain belge Nicolas Ancion, expert dès lors qu'il s'agit de mettre tout naturellement en scène des situations complètement décalées. Et c'est vrai qu'à la fin de la lecture de ce court roman, le lecteur aura eu la sensation agréable d'avoir plongé dans un récit qui relève du merveilleux, dans la mesure où l'étrange, le surnaturel, ne surprend aucun personnage.

Le lecteur est embarqué à la suite de Victor, un écrivain qui écrit des essais décalés (y compris sur les pets – l'auteur avait-il "L'art de péter" de Pierre-Tonas-Nicolas Hurtaut à l'esprit au moment de concevoir son personnage) et partage son prénom avec un illustre modèle. Le lecteur le découvre par ailleurs romanesque, perpétuellement amoureux de tout ce qui bouge, lui sourit et se trouve être de sexe féminin. Un fil rouge? Certes: le lecteur sera amené à se demander entre quels bras le jeune Victor finira ce bout de vie. Après tout, un écrivain a besoin d'une muse...

Mais là, Victor a surtout besoin d'argent, et il passe une annonce de demande d'emploi. Donnant suite à la proposition d'une personne intéressée, il s'engage  comme concierge dans un château étrange, dont le propriétaire est un richissime gaillard qui voyage beaucoup. Et c'est là que ça devient drôle: le collaborateur principal de Victor sera Pinot, un lapin en peluche vivant, doté de la raison et de la parole, particulièrement dégourdi qui plus est. Il tranche avec son oncle, l'ours Robert, bête débonnaire qui mange beaucoup et s'évertue à dégommer les stéréotypes liés aux ours (le miel, la pêche...). 

Dès lors, le lecteur a l'impression d'être plongé dans un univers de dessin animé, d'autant plus que l'auteur affectionne une approche visuelle, bien étudiée voire cinématographique, dans sa manière d'écrire. Victor va se retrouver pris dans une guerre des gangs entre phoques et pingouins, et ça va ferrailler sec. On relèvera avec amusement que le pingouin qui veut faire monter une fille sur sa mobylette a comme un petit air de famille avec Poungi la Racaille, personnage bête, méchant et hilarant de Bastien Chanmax.

En synthèse, l'idée de faire parler des animaux parle à l'enfant qui sommeille en tout lecteur. Mais voilà: on est dans un livre pour les grands. Du coup, le lecteur a peut-être envie que ces bestioles vivent des histoires de grands, avec un peu de sang qui coule pour faire bon poids: qu'adviendrait-il si son doudou portait un flingue?

Et côté écriture? Parfaitement dans l'esprit de merveilleux décalé qui prévaut dans l'intrigue, l'auteur privilégie un style faussement sobre et détaché où les comparaisons délirantes mais justes se détachent régulièrement et font sourire. L'ouvrage est rapide et court, on aurait même eu envie de vivre encore un peu dans cet univers à la fois loufoque et violent où, même à grande vitesse, le souci du rythme reste malgré tout présent: il suffit de penser au ralenti que l'auteur ménage lorsque Victor, au cours d'une noce organisée au château, voit une fille en robe jaune qui lui sourit...

Nicolas Ancion, Ecrivain cherche place concierge, Paris, Pocket, 2010/première édition Waterloo, Luc Pire, 2006.

Le site de Nicolas Ancion, celui des éditions Pocket, celui des éditions Luc Pire.

Lu aussi par CynthiaJoyce, Lali, Liliba, Séverine.

6 commentaires:

  1. J'aime quand les animaux prennent la parole et de temps en temps, ce genre de récit décalé et un peu barré :)

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  2. Bonsoir Audrey! En effet, c'est un récit court mais un peu dingue et décalé. La tendance au loufoque est du reste une constante chez cet auteur...
    Bonne semaine à toi!

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  3. ça pourrait me plaire. Un auteur que je ne connais pas et, hélas! ma BM non plus... :/

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    1. Bonsoir Violette! Oui, un auteur à déguster! J'ai l'impression qu'on en parle un peu moins depuis quelques années, mais il est apparemment toujours actif. Son registre est effectivement l'humour décalé et loufoque, avec des titres comme "Le Cahier gonflable" et "Nous sommes tous des Playmobiles".
      Bonnes lectures à toi!

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  4. Ca va nous jouer "Qui veut la peau de Pinot rabbit"?

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    1. On peut voir ça comme ça, en effet! :-) Bon dimanche à toi!

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