Dominique Brand – Les parutions printanières des éditions BSN Press sont un véritable feu d'artifice cette année, et vous, lecteurs de ce blog, en avez eu un aperçu ces derniers jours. Que diable, on ne fête pas chaque année ses dix ans d'édition! Je clos cette série de billets consacrée aux parutions de cette maison lausannoise avec "La Mine", premier roman de Dominique Brand.
Après s'être aventuré dans le métro de Berlin avec "À quai la terre", l'écrivain lausannois y fait la radiographie d'un immeuble de sa ville, à travers les gens qui y habitent. Un exercice auquel se sont livrés quelques auteurs avant lui – on pense bien entendu à "La vie mode d'emploi" de Georges Perec ou, plus récent et plus proche, à "33, rue des Grottes" de Lolvé Tillmanns. Par sa manière d'analyser les lieux et les gens, Dominique Brand s'inscrit parfaitement dans cette belle lignée.
La description des bâtiments va à l'essentiel, et parle de façon directe au lecteur en évoquant des lieux familiers de tout bon locataire: la buanderie, les escaliers, l'ascenseur. Il en détecte toutes les possibilités de conflits plus ou moins larvés et les exploite à fond: machine à laver commune sale, jours de lessive déplacés sans préavis. Surtout, l'ascenseur devient un lieu récurrent, mais aussi un enjeu de pouvoir: il s'agit souvent de le mendier à deux dames qui dégoisent tout en le bloquant. Et l'on a parfois le privilège d'entrer dans les appartements...
Côté situations, l'auteur s'amuse aussi, et une fois de plus, le lecteur va se retrouver face à des scènes qu'il a sûrement lui-même vécues. On pense au bruit dans l'immeuble, que ce soit celui généré par ce veuf, Pitonel, qui écoute les Coups de cœur d'Alain Morisod à pleins tubes, mais aussi à la possibilité d'une fête entre voisins – les méandres de son organisation constituant le fil conducteur du roman.
Et Dieu sait ce qu'elle sera, se demande-t-on au fil des pages, dans une manière de suspense savamment entretenue – l'auteur a tout à fait l'art de tenir le lecteur en haleine avec un tel événement. Il faut dire que les invités potentiels ne sont pas piqués des vers! Le romancier force volontiers le trait, juste un peu, pour que l'ambiance et les interactions soient rapidement saturées de tensions, sentimentales ou lourdes de conflits.
On adore détester Diego, le représentant en assurances, par exemple. On éprouvera de la tendresse pour François, le prof qui trace sa route, même s'il semble peu soucieux de sa famille. Et comme de bien entendu, on a une concierge dotée d'une solide langue de vipère et quelques chiens. La charge mentale pousse les mères à bout, les scènes de ménage aux dialogues cinglants sont électriques, les gens vite catalogués parfois, et l'auteur promène sur eux un regard en coin, sans forcément se contraindre à un souci de représentation équilibrée. C'est comme ça dans les immeubles: il y a des habitants qu'on voit moins que d'autres, et "La Mine" reflète ce fait.
Avec "La Mine", Dominique Brand réussit un premier roman qui fait des étincelles, souvent drôle et grinçant, où l'explosion n'est jamais loin. Les chapitres sont courts, la lecture est rapide et avide, l'écriture est aisée, allant jusqu'à oser quelques helvétismes bien vaudois pour renforcer un ancrage local dès lors solidement fondé.
Dominique Brand, La Mine, Lausanne, BSN Press, 2021.
Le site des éditions BSN Press.
Sur les dix ans de BSN Press, voir les deux papiers de Dunia Miralles: le premier et le second.
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