Fiona Cummins – Tout le monde a ses secrets. Et tout le monde a des voisins. La romancière anglaise Fiona Cummins a décidé de faire bouillonner tout ça dans sa marmite, et ça donne "Les Voisins", un roman policier tendu où le prix des biens immobiliers dépend du nombre de meurtres élucidés dans le coin – précisément dans "L'Avenue".
L'auteure fait judicieusement appel à des éléments de vie que tout le monde connaît pour planter le décor. Chacun a des voisins qu'il a de la peine à appréhender, chacun ne vit pas forcément là où il le voudrait puisque les moyens peuvent jouer un rôle dans le choix de son domicile. Nous sommes nombreux à avoir des enfants, voire des adolescents pas toujours faciles à contrôler. C'est à ces éléments familiers que l'auteure s'attaque pour faire trembler son lectorat.
Et pour faire bon poids, l'écrivaine met en scène, au cœur de l'intrigue, un magasin de jouets où l'on a joué un jour un spectacle de marionnettes. Quoi de plus innocent? Que de bons souvenirs pour chacun d'entre nous! Et pourtant... avec "Les Voisins", le lecteur va en découvrir les coulisses scabreuses.
En lisant "Les Voisins", on comprend vite qu'il sera avant tout question d'ambiances et de non-dits, et que c'est de là que naît une sensation captivante d'inquiétude latente mais tenace. La romancière excelle à mettre en scène des personnages bizarres dans son Avenue, à l'instar de ce fabricant de marionnettes qui garde précieusement le cadavre de sa femme chez lui.
Tiens, arrêtons-nous un instant: la rue est également hantée par un voyeur qui observe les nuages mais pas seulement, et par la famille Lockwood dont les finances sont amochées par les choix inconsidérés du père. Un père architecte qui se met dans la tête de faire quelques menus travaux pour valoriser son nouveau logis. Enfin, il y a deux petits vieux que tout le monde aime bien: Madame fait des brownies de compétition, et le postier, jouant à fond son rôle social, s'arrange pour aller boire son thé chez eux dès que sa tournée le permet.
Pourtant, les morts s'entassent...
Un tel roman exige un travail rigoureux sur les personnages civils qui le hantent, mais aussi sur les policiers. Là aussi, secrets et interdits abondent, comme si les forces de l'ordre étaient le reflet de la vie des citoyens ordinaires.
À l'instar d'une Wildeve Stanton qui se retrouve en train d'enquêter sur son compagnon assassiné, les agents paraissent toujours un peu en décalage: l'un est proche de la retraite, l'autre se montre excessivement sûr de lui.
Et c'est aux adolescents et aux enfants que la romancière donne le rôle consistant à faire émerger la vérité. Autour de la fille des Lockwood, Aster, se met en place une sorte d'effet de meute qui, amplifiant les rumeurs, exerce une pression sur tel personnage. Enfants? Le petit frère d'Aster a trouvé une cassette audio énigmatique dans la cabane du jardin – jouant sur le décalage générationnel, la séquence est amusante, le môme n'ayant aucune idée de ce dont il s'agit. Et puis, il y a ces quatre ou cinq spectateurs de la pièce de marionnettes jouée jadis au magasin de jouets... personnages clés puisqu'ils sont les victimes.
Pourquoi? C'est à cette question que la romancière répond, avec finesse et rigueur, jouant habilement avec des univers familiers et exploitant à fond des peurs héritées de l'enfance. Au fil de retournements de situation stratégiques, saisissant une intrigue aux ambiances lourdes à son moment le plus critique, "Les Voisins" amène son lecteur vers un coupable évidemment inattendu (c'est la loi du genre), en explorant en profondeur la couleur grise de quelques âmes humaines.
Fiona Cummins, Les voisins, Genève/Paris, Slatkine & Cie, 2021. Traduit de l'anglais par Jean Esch.
Le site des éditions Slatkine et Cie.
Lu par CathJack, Lettres & Caractères, Livr'Escapades, MHF, Stelphique, Tomabooks.
Cela parait plus clair dans ton résumé alors que je me suis un peu perdue dans le livre... ;)
RépondreSupprimerWaouh! C'est vrai qu'il faut un peu de temps pour prendre contact avec les personnages; surtout, je retiendrai les ambiances inquiétantes de ce roman! L'auteure a su tirer les bonnes ficelles.
SupprimerBonne soirée à toi!