samedi 22 mai 2021

Yves Paudex, quand la police vaudoise mène grand train

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Yves Paudex – Avec son deuxième roman policier, "Le train des brumes", l'écrivain Yves Paudex ramène ses lecteurs dans les ambiances en demi-teinte de la police vaudoise, autour du personnage désormais récurrent de Valentin Rosset. 

Sur ce coup-ci, l'auteur lâche son inspecteur à l'ancienne sur la piste d'un crime resté inexpliqué: l'attaque du train Saint-Gall–Genève. Rappel des faits réels: par une nuit d'hiver 1996, une poignée de brigands arrêtent un InterCity des CFF au niveau de Grandvaux afin de dévaliser le wagon-poste, dans lequel est supposé se trouver un butin considérable et facile à prendre. 

L'auteur décide de résoudre le cas à sa manière... en prenant quelques libertés avec la vérité, même si les éléments clés sont fondés sur le réel. Tout d'abord, il rajeunit son intrigue en la ramenant à la période des fêtes de fin d'année 1998. Ensuite, alors que les vrais acteurs du vol sont inconnus, l'auteur imagine une demi-douzaine de voleurs suisses et français. Enfin, comme il se doit pour un polar, l'énigme est résolue à la fin. 

"Le train des brumes" fait figure de préquelle au roman "Crimes sacrés, sacrés meurtres". Les enjeux d'une dernière enquête pour couronner une carrière ne sont donc plus présents. En revanche, sur l'affaire de l'InterCity Saint-Gall–Genève, Valentin Rosset est affublé d'un collègue. Et tout les sépare, du moins au début: Valentin Rosset collabore ici vaille que vaille avec un jeune inspecteur quelque peu impulsif et xénophobe – telle que l'auteur la décrit, sa dégaine fait d'ailleurs un peu penser à Yvan Perrin, homme politique suisse de droite conservatrice. 

Et c'est là qu'éclate le talent de l'écrivain: alors que tout sépare Valentin Rosset le taiseux et Samuel Rochat le xénophobe, il va s'ingénier à les faire évoluer et les rapprocher au cours de l'intrigue, jusqu'à presque en faire des amis – en tout cas des collègues ayant un respect réciproque sincère. Samuel Rochat va lui-même s'affiner, se civiliser, et une femme y mettra la touche finale.

Cette capacité à saisir ce que les personnages ont d'humain est également présente dans les portraits que l'écrivain fait des malfrats. Derrière leur façade criminelle, en effet, l'écrivain dessine des gens qui ont des familles, des aspirations – l'un a sorti une fille de l'enfer du trottoir, par exemple. Dans un esprit social, il va jusqu'à dessiner Vaulx-en-Velin, vue comme une cité où les perspectives de vie ne sont guère réjouissantes. Si détestables qu'ils puissent être – pensons à l'étrange Neunœil, avec son strabisme qui l'a desservi face aux filles, ce dont il se venge – tous ont ainsi leur part de lumière.

Et si l'ambiance est un peu grise du côté des locaux de la police de sûreté vaudoise, peuplée d'huiles qui aiment se faire mousser, l'auteur la teinte à l'occasion d'un soupçon d'humour, au détour d'un bon mot ou d'une scène autour du Poireau, commissaire imbu de lui-même. Et puis, sans insister à l'excès, l'auteur ne manque pas de rappeler çà et là, y compris dans le contexte des interrogatoires, que son récit se passe pendant les fêtes de fin d'année. Autant d'éléments qui font de cette publication estivale un polar de Noël à la fois rafraîchissant et efficace. 

Yves Paudex, Le train des brumes, Lausanne, Plaisir de lire, 2021.

Le site des éditions Plaisir de lire.

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