Camille Elaraki – "Alegría!", c'est quelques mois dans la vie d'une femme, Ola, calés entre les attentats du Bataclan (Paris, 2015) et ceux de la Promenade des Anglais (Nice, 2016). C'est surtout le récit d'une transformation, marquée par la compagnie d'étudiants.
Ola, c'est comme un bonjour en espagnol, et l'auteure assume cette possibilité pour son personnage. Comme il s'agit d'un premier roman, on peut aussi le comprendre comme le premier salut de l'auteure à ses lecteurs. A moins qu'il ne s'agisse d'un diminutif d'Olga? L'auteure laisse ces portes ouvertes, faisant de son personnage un être à remplir de vie, d'essence, d'épaisseur. Tel sera le moteur de ce roman de la maturation.
"Alegría!" est composé en deux parties. Située à Paris, la première s'avère oppressante, mettant en scène une Ola ballottée entre diverses situations avec lesquelles elle se trouve en dissonance: un travail en call center qu'on imagine précaire et stressant, un homme, Grégoire, qui la trompe et la rabaisse même si les sentiments sont là, qui hante Tinder pour ses possibilités de rencontres qu'il juge "au rabais".
Un personnage intéressant, Grégoire: l'auteure en fait un jeune homme péremptoire et immature, incapable de choisir entre deux femmes – la nature décidera pour lui. Autour de cet étudiant en sciences politiques destiné à un bel avenir, évolue tout un microcosme, notamment de jeunes femmes qui politisent le rasage (ou non) de leur pubis. Un microcosme avec lequel Ola ne se sent jamais raccord.
La deuxième partie fait dès lors figure de retour progressif à une manière plus souple de vivre. L'auteure choisit, par métaphore, de caser les deux façons de vivre d'Ola en deux lieux distincts. Le décalage permanent qui caractérise la vie à Paris entre dès lors en contraste avec la relative aisance de l'existence à Cadix, où Ola se partage entre un petit travail et une bande d'étudiants en Erasmus, pressés de vivre.
C'est une autre manière d'être jeune et étudiant que l'auteure décrit. Les études se passent entre révisions et soirées à la plage pour les boursiers. Il y a l'ivresse, l'autostop fou à travers l'Espagne. S'esquisse par ailleurs ici, pour Ola, une manière d'éducation sentimentale, faite à la fois de renouveau et de renonciation ritualisée.
Rythmé au gré d'une écriture qui alterne avec justesse les dialogues et les récits plus denses, "Alegría!" goûte l'image poétique pour dire les différentes facettes d'une certaine jeunesse d'aujourd'hui. Cela, en empruntant à sa propre expérience.
Camille Elaraki, Alegría!, Fribourg, Presses littéraires de Fribourg, 2021.
Lu par Dominique Panchèvre, Mademoiselle lit, Velia Ferracini.
Le site de Camille Elaraki, celui des Presses littéraires de Fribourg.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Allez-y, lâchez-vous!