Adèle de Montvallon – C'est une entrée réussie en poésie, avec un recueil travaillé à l'esprit cohérent: la jeune auteure franco-suisse Adèle de Montvallon, invite tout un lectorat à entrer dans son univers le temps d'une lecture, celle de son premier recueil: "Ce que l'ombre dit de la lumière". Au programme? 84 textes oscillant entre vers libres et prose poétique.
Dès le premier texte, le lecteur est plongé dans un univers aux limites de l'abstrait, décrivant quelque chose dont il ne sait pas ce que c'est: en omettant délibérément de le préciser, comme par jeu, la poétesse invite le lecteur à faire le pas consistant à imaginer de quoi il s'agit. Des fleurs, en l'occurrence? Ce jeu va revenir à plus d'une reprise dans un recueil qui fait la part belle au sens de la vue, constamment trompé par le jeu des focales.
Côté thématiques, la poétesse s'inscrit certes dans la manière de dire notre monde actuel, avec ses humains toujours à la fois typiques et anonymes, esquissés en quelques mots qui ébauchent l'essentiel tout en invitant le lecteur à imaginer plus loin: par exemple, qui est, au fond, ce buveur de vin rouge décrit dans le texte numéro 4? Ce monde actuel, on le retrouve aussi dans le poème 21, haletante succession de marques et d'enseignes lumineuses, reflet obsédant du matraquage publicitaire que subit l'humain d'aujourd'hui.
En contrepoint, l'auteure promène son regard sur ce que la nature offre. On pense à la météo, avec par exemple la sobriété extrême du poème 8 ("Aujourd'hui, le rideau de pluie penche sur la gauche."), mais aussi aux arbres et aux fleurs, motifs récurrents finement observés. Cela, sans oublier la météo, avec laquelle l'humain, comme dans le poème 81, doit bien composer.
Impressionniste ou réaliste en s'autorisant quelques préfixes (hyper- ou sur- en particulier, ce que relève le préfacier Jean-François Fournier en invoquant les mânes de Boris Vian et d'Edward Hopper), l'écriture de la poétesse s'attache à aller à l'essentiel et invite le lecteur à interagir en allant plus loin que les quelques mots posés sur la page: il convient, pour le lecteur, de se laisser aller à imaginer ce qui est délibérément laissé hors champ par les instantanés proposés par la poétesse. Et, ce faisant, de laisser s'amplifier en soi des mots travaillés pour dire l'essentiel.
Adèle de Montvallon, Ce que l'ombre dit de la lumière, Dole, Olivier Morattel Editeur, 2024. Préface de Jean-François Fournier.
Le site des éditions Olivier Morattel.
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