Valérie Blom – Et si le Valais faisait sécession, quittant le giron protecteur de Dame Helvétie? Tel est le scénario qui sous-tend "Un Valais en guerre", saga de la romancière et journaliste Valérie Blom, dont le tome I, "Soldate", vient de paraître. L'écrivaine se glisse dans le personnage d'Hanna Favre, engagée comme simple soldate dans les troupes de renseignement de l'armée séparatiste.
A elle les missions délicates, entremêlées de séances d'entraînement: le lecteur saisit le conflit à un moment de cessez-le-feu où les belligérants s'observent avec méfiance. Nous ne sommes pas dans le monde glamour de James Bond, toutefois: il s'agit plutôt, pour la soldate puis sergente Favre, d'aller cacher des capteurs dans les lieux les plus inhospitaliers et enneigés du nord des Alpes valaisannes. Force est de reconnaître que la romancière dessine ce contexte de manière réaliste, nommant le moindre lieu-dit, et qu'on s'y croit. Et à travers certains éléments, on sent que l'inspiration vient aussi des épisodes des conflits armés qui marquent actuellement l'histoire du monde.
Ce souci de réalisme marque également la description de la vie quotidienne au sein de l'armée sécessionniste valaisanne, largement inspirée de ce que peut être la vie pour les recrues de l'armée suisse. Le point de vue apparaît cependant idéalisé, loin des crasses qu'ont pu faire et raconter certains de ceux qui ont fait leur école de recrues: l'ambiance est sérieuse, tout roule dans un esprit de motivation sans faille, la hiérarchie est globalement respectée même si, discrètement, affleurent des moments où, en tant que femme ou en tant que nouvelle sous-officière, Hanna doit s'imposer face à la troupe ou à certains de ses éléments.
Cela dit, la romancière prend plaisir à creuser le personnage atypique d'Hanna, jeune femme finno-valaisanne, un peu en porte à faux, vu son engagement militaire, avec sa famille et avec son frère Jean, devenu membre d'un groupuscule radicalisé et dont elle n'a guère de nouvelles. Enfin, Hanna est aussi une femme désirante, vivant intensément des moments d'intimité volés à l'inquiétante gravité d'une vie où chaque moment peut être le dernier.
Et le motif du conflit? C'est peut-être ce qui manque un peu à ce premier tome d'une série. Ce que le lecteur sait est sporadique: les Valaisans, appauvris, se suicident à qui mieux mieux et se sentent lâchés par la Berne fédérale. On ne sait cependant pas grand-chose du moment où tout est parti en vrille, ce qui pose, pour le lecteur, la question du sens d'une mobilisation cantonale organisée sur fond de sécession. Aux yeux du lecteur, les personnages semblent agir sans motivation profonde, alors qu'il en faut lourd pour qu'une guerre, une vraie même si c'est dans un seul pays, a fortiori aussi paisible et stable que la Suisse, se déclenche.
Les racines du conflit occuperont-elles dès lors plus de place dans le deuxième (ou second) tome de la série? C'est ce que le lecteur découvrira. Au terme de "Soldate", il laisse Hanna Favre dans une situation délicate qui indique, à la façon d'un cliffhanger, que l'histoire n'est pas terminée. Et il garde le souvenir d'un roman des plus réalistes, écrit dans une langue fluide et captivante discrètement émaillée de mots du Valais, voire de patois du cru, et d'hypocoristiques inattendus en finlandais. Histoire à suivre...
Valérie Blom, Un Valais en guerre – tome I, Soldate, Montreux, Romann, 2024.
Le site des éditions Romann.
Merci Daniel pour cette lecture intelligente et avisée, comme toujours ! - Sandrine
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