Rose-Marie Pagnard – C'est une histoire d'amour avec ses méandres, mais c'est aussi un roman sur la mémoire et ses lacunes: "Gloria Vynil" suit le personnage de Gloria, jeune photographe victime d'amnésies, amoureuse, venue hanter un Museum d'histoire naturelle en voie de disparition.
L'action se passe en ville de Berne, une cité guère nommée mais tout y est, de manière dite ou suggérée – de quoi donner un léger flou artistique aux contours de la capitale fédérale. De plus, l'auteure utilise l'image de l'ours pour désigner le personnage d'Arthur Ambühl-Sittenoffen, artiste-peintre frénétique et amoureux pas toujours adroit même s'il a de quoi faire rêver.
Une fois passée la description d'une scène originelle terrible où des chiens échappés de leur enclos dévorent un père paysan, le roman se déroule dans une ambiance de surprenante légèreté, contrebalancée par l'incapacité à se rappeler précisément un souvenir toujours évanescent, mais aussi encombrant qu'un secret de famille.
Les souvenirs personnels de Gloria Vynil et de son entourage (cinq frères dont un disparu on ne sait plus comment, une tante, pour ne parler que de sa fantasque famille) font écho à la soif de garder une trace du Museum, voué à la disparition. Frénétique, Arthur Ambühl-Sittenoffen? C'est peu de le dire: l'auteure le montre en peintre hyperactif, travaillant sur plusieurs toiles à la fois dans le musée désaffecté. Son travail à l'huile constitue un contrepoint à l'autre art visuel mis en scène dans "Gloria Vynil": la photographie.
Cette chasse au souvenir, il faut la faire perdurer, et Arthur, de même que son alter ego Rafi, tirent toutes les ficelles possibles, administratives notamment, pour se donner du temps et retarder la dernière soirée officielle avant déconstruction.
Cela, quitte à obliger le taxidermiste des lieux, un vieil homme qui confond les bandeaux de cheveux de Gloria avec des queues de singe (!), à continuer d'exercer son travail de reconstitution des corps d'animaux, bien qu'il soit désormais dépourvu d'utilité. Quant aux os manquants de certains singes qu'il reconstitue, ne sont-ils pas l'image des morceaux manquants d'une mémoire qui flanche?
C'est ainsi que la romancière développe, dans le lieu clos du Museum, un univers en vase clos où chacun fonctionne à sa manière à l'ombre des animaux naturalisés. Qui en gardera la poussiéreuse mémoire, de ceux-ci? Quant à l'histoire d'amour fluctuante entre Gloria et Arthur, elle trouvera un épilogue à sa mesure, laissant le lecteur sur une bonne impression: celle que toutes les pièces des puzzles de la mémoire et de l'amour ont bien trouvé leur place.
Rose-Marie Pagnard, Gloria Vynil, Chêne-Bourg, Zoé, 2021.
Le site des éditions Zoé.
Egalement lu par Francis Richard, Henri-Charles Dahlem, Rebecca.
un huis clos original, apparemment.
RépondreSupprimerBonjour Violette! Pas tout à fait un huis clos, même si le Museum prend une place considérable dans ce roman; mais original, oui!
SupprimerBonnes lectures à toi!