Emmanuel Dunand – Le vin comme source de poésie: voilà bien un classique de la littérature française. En pleine crise du covid-19, appelant à la convivialité en plein confinement, le poète et caviste Emmanuel Dunand, actif chez Nicolas, s'est lancé dans le projet d'une plaquette de poèmes consacrés au vin. Le lecteur y retrouvera, mine de rien, quelque agréable ivresse: sous les apparences de ses vers aimablement libres, l'écriture s'avère travaillée et soucieuse de résonances.
Ce goût des sonorités s'exprime pleinement dès le premier poème du recueil, "Le ban des vendanges". Les rimes sont le plus souvent riches, "vendange" devient "vent d'ange", et à chacun de trouver ce que cette proximité sonore fait sonner en lui. Le lecteur que je suis s'y attendait un peu: la dédicace que m'a rédigée l'auteur à l'entrée du minuscule théâtre parisien de la Petite Loge révèle un penchant marqué et un goût sûr pour les jeux de sonorités.
D'un poème à l'autre, le lecteur découvre plus d'un aspect lié au vin, de la dégustation à la couleur de la nappe en passant par le vignoble lui-même. Et quelques taches de couleur disséminées par l'artiste Arnaud Bretzner dans le recueil le rappellent: le vin, ça tache et c'est bon.
Quant à l'aspect de la bonne compagnie, essentiel pour une dégustation dûment partagée, celui-ci émane des dessins d'Arnaud Bretzner, justement, qui mettent en place des couleurs en aplats sur une base léchée en noir et blanc pour valoriser une émotion partagée: le plus souvent, plusieurs personnages s'y partagent la vedette en des contextes variés allant des verres partagés en terrasse aux moments partagés au coin du feu.
Enfin, les derniers poèmes du recueil partagent les enthousiasmes liés à quelques vins bien connus. "Ce beaujolais, ce beau je l'ai" apparaît ainsi comme un hymne simple et sincère au beaujolais nouveau, toujours pareil à lui-même, vu comme un plaisir sempiternel et sans façons.
Et en passant par le chardonnay de meursault ("ne meurt sot"), l'auteur amène son lectorat jusqu'à un point d'orgue appelé champagne. Fallait-il le mettre en fin de recueil, vraiment? "Le Funambule Champenois" n'a certes pas été conçu pour conclure un recueil en lui donnant une note finale marquante et prépondérante. Mais le lecteur en garde un souvenir pétillant et frais.
Voilà ainsi un petit recueil de poèmes en vers libres qui, quitte à oublier son sujet l'espace d'un ou deux vers, se plaît à faire résonner les mots de la langue française, surtout s'ils parlent du jus de la treille et s'amusent comme ceux qui le dégustent. C'est délicieux! Et en invoquant "Dis vin..." en titre, l'auteur rappelle que ce que l'on a dans son verre va bel et bien raconter des histoires qu'il vaut la peine d'entendre... ou de lire.
Emmanuel Dunand, Dis vin..., Paris, auto-édité, 2021. Iconographie par Arnaud Bretzner.
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