Olivia Gerig – Avec "Witch Hunt", les lecteurs fidèles de l'écrivaine Olivia Gerig se retrouvent en terrain connu: une intrigue policière dans la région qui entoure Genève côté France, fondée sur des des indices troublants qui empruntent à la fois au genre fantastique et aux codes du domaine religieux. Et pour le coup, après "Les ravines de sang" entre autres, la capitaine Aurore Pellet, de la police d'Annecy, va reprendre du service, cherchant comme d'habitude, et c'est l'une des lignes directrices de ce roman, le bon équilibre entre vie amoureuse et vie professionnelle.
L'écrivaine se renouvelle parfaitement avec son dernier opus: le lecteur va ainsi baigner dans l'ambiance inquiétante d'anciens sanatoriums, construits dans l'immédiat après-guerre et désormais inutiles. Le sanatorium Martel de Janville, en particulier, va rapidement trouver sa place dans "Witch Hunt". Convoquant l'histoire du bâtiment et rappelant qu'il est désaffecté, évoquant les amateurs d'Urbex comme les mises en scène qu'un tel lieu autorise, l'écrivaine excelle à lui conférer un caractère inquiétant.
Or, il se trouve que ce caractère sert d'ambiance à l'épilogue d'un jeu vidéo en ligne qui tourne mal, piloté qu'il est par une famille vengeresse. Femme du vingt et unième siècle, la capitaine de police Aurore Pellet va devoir enquêter autour de bûchers et de potences parfaitement moyenâgeux. Qui sont les victimes, qui sont les bourreaux? "Witch Hunt" les dessine, peu à peu. Et le lecteur s'apercevra qu'un jeu vidéo en ligne, porté par une philosophie sectaire, dessine le terrible fil rouge du roman.
L'écrivaine met ainsi en scène les risques que recèle la pratique du jeu vidéo, dès lors qu'elle est compulsive. "Witch Hunt" est un roman peuplé de geeks, certes; ceux-ci sont mis à la merci d'une poignée de criminels. Ceux-ci sont certes animés par un esprit de vengeance qu'ils considèrent honorable. Mais est-il forcément acceptable du point de vue moral? C'est ce qu'illustrent les personnages d'Iris et Achilles Duc, vengeurs d'une mère décrétée "sorcière", au sens où Mona Chollet a pu l'entendre, parce que, volontairement ou non, elle n'a pas vécu tout à fait comme le veut la société qui l'entoure. Alors certes, il est permis de discuter de la citation de la philosophe Mona Chollet que l'auteure a glissé dans son roman: hors contexte en tout cas, celle-ci ne semble pas exempte du péché de procès d'intention. Mais c'est un autre sujet...
Le roman "Witch Hunt" est parfaitement porté par une écriture rapide: écrits de manière fluide, les paragraphes et les dialogues lui confèrent une structure efficace et une ambiance parfaitement inquiétante. L'auteure crée d'excellents dialogues; elle construit aussi des personnages qui fonctionnent pleinement dans un monde où le féminisme trouve sa place ("la" capitaine, écrit constamment la romancière), même si l'on peut toujours aller plus loin en la matière. Et enfin, on ne saurait oublier le travail de l'auteur sur les musiques de notre temps, volontiers rock and roll, qui confèrent à l'œuvre un supplément de rythme à un roman déjà trépidant et qui, en grand, rappelle les dangers du monde virtuel et des jeux de rôle vidéo.
Olivia Gerig, Witch Hunt, Montreux, Romann, 2023.
Le site d'Olivia Gerig, celui des éditions Romann.
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