samedi 29 octobre 2022

"Le Contrat": un troisième tome pour recoller les morceaux

Tara Jones – Oui, il y a bel et bien un tome 3 à la saga "Le Contrat", signé Tara Jones. L'auteure avait en effet laissé ses lecteurs en plan à la fin du tome 2, avec un couple fracassé à l'issue de sa nuit de noces. Angeline Beaumont et Geoffrey Lancaster sauront-ils recoller les morceaux? Tel est l'enjeu de ce dernier volume de la saga. Un volume maîtrisé qui requiert d'avoir lu les deux premiers, certes. Cela fait, il se parcourt aisément, avec ses chapitres courts aux fins accrocheuses, ses bonheurs, mais aussi ses faiblesses.

Ce tome 3 adopte une tonalité plus sombre, mais aussi plus psychologique. En effet, l'auteure a choisi d'y creuser davantage certains personnages, en particulier celui d'Angeline Beaumont, peut-être afin d'en révéler les aspects déplaisants, sans fard. Cela, sans renoncer totalement à la tonalité "new romance" que le lectorat connaît et goûte: il y aura toujours quelques scènes érotiques un peu surjouées et des instants de tension longuement détaillés.

Côté masculin, Geoffrey Lancaster reste assez fidèle à lui-même, entier, brutal et protecteur – il est permis de penser, en le voyant évoluer, que BBS (Bad Boy Sexy) est synonyme de "macho", au sens que lui donne Alain Soral ("mâle pudique à l'ancienne, qui respectait sa mère, protégeait sa femme et se sentait responsable de ses enfants"), toutes proportions gardées cependant: il ne sera pas question d'enfants ici, et c'est plutôt de son père que Geoffrey devra se rapprocher.

Quant à Angeline Beaumont, l'auteure donne d'elle, de façon plus marquée que dans le première tome, l'image peu aimable d'une jeune femme immature qui, adulte, n'a pas encore fait grand-chose de sa vie, à part un vague diplôme de styliste, et peine à s'engager. Ce qu'on a pu prendre pour une agréable impulsivité apparaît parfois, dans ce tome 3, comme de l'irresponsabilité. On pense entre autres à la manière dont Angeline se mêle de documents importants pour les affaires de son mari en Chine. Par contraste, cette impression est renforcée par le personnage de Sarah, l'avocate et amie, qui a la tête sur les épaules, s'est donnée à fond dans ses études et bénéficie d'une situation d'avocate, enviable et porteuse de sens.

L'auteure varie le style des péripéties, et c'est agréable. On plonge dans le vaudeville lorsqu'Angeline engage un escort boy pour un "rendez-vous professionnel" qui ne sera qu'un prétexte pour surveiller son mari, lui-même en repas d'affaires à une belle table de la très chic avenue Montaigne à Paris, ou dans l'humour gaulois revisité lorsque Luke reçoit sur son téléphone portable des photos de femmes dénudées à la pelle à la suite d'une annonce placée sur une palanquée de sites Internet douteux par Justine, la meilleure amie, dans un désir de revanche à la suite d'un lapin.

L'intrigue policière, où Angeline se retrouve accusée de tentative de meurtre, paraît en revanche moins réussie: l'auteure donne l'impression que la jeune femme a été coffrée et embastillée avant toute enquête, puis liquide l'affaire assez sèchement. On relève cependant que la romancière, entre autres grâce aux ellipses que permet le genre du roman, entretient le doute sur la culpabilité effective d'Angeline. Suspense! De même, on peut regretter que la question des e-mails anonymes menaçants adressés à Angeline, non réglée à la fin du tome 2, soit expédiée si aisément (la faute à l'assistante...).

De façon générale, il y a plusieurs aspects qui paraissent résolus un peu trop opportunément par l'auteure, ce qui donne une impression de facilité ou de hâte d'en finir. Et à son terme, l'intrigue laisse à nouveau le lectorat un peu sur sa faim: certes, Angeline Beaumont et Geoffrey Lancaster se retrouvent ensemble en fin de roman et paraissent vivre heureux (c'est la loi du genre, je ne divulgâche rien...) même s'ils n'auront probablement pas d'enfants, mais l'auteure s'est réservé plusieurs voies pour des spin-off à partir de ses personnages secondaires. En particulier, qu'adviendra-t-il de la relation entre Justine la sentimentale et Luke l'ambigu? Le lecteur le saura-t-il un jour ou restera-t-il sur cette impression d'inachevé? Cela est une autre histoire... 

Tara Jones, Le Contrat, tome 3, Paris, Hugo & Cie, 2017.

Le site des éditions Hugo & Cie.

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