lundi 3 octobre 2022

Choc des mentalités et des caractères en Ecosse profonde

Barry Gornell – Une petite famille s'installe dans une maison qu'elle a acquise et rénovée dans la campagne écossaise. Cela ne va pas sans quelques inconvénients, soigneusement masqués par le promoteur immobilier, que l'écrivain Barry Gornell développe dans son premier roman, "La résurrection de Luther Grove". 

D'emblée, le dispositif psychologique s'avère explosif. La famille, ce sont les Payne, John et Laura. Si Laura paraît avoir la tête sur les épaules même si elle a trompé son mari un jour, ce dernier, John, fait figure de mec immature, se comportant en terrain conquis dans sa nouvelle localité et distillant quelques blagues douteuses. Au milieu, il y a une fillette, Molly, qui commence tout juste à marcher et à parler.

Et il y a le voisinage, avec l'énigmatique Luther Grove. L'auteur campe ici, avec succès, un personnage d'homme des bois, bourru en apparence, propriétaire de sa maison et qui compte bien le rester, vivant autant que possible en autarcie – seul le café et le whisky, pour ainsi dire, viennent d'un magasin. En faisant jouer les Payne contre Luther Grove, l'auteur dessine les réactions contrastées que le bonhomme peut susciter: rejet viscéral pour John, recherche d'harmonie pour Laura. 

Qui va, de même que Molly, éveiller des souvenirs douloureux chez Luther Grove... et, entre la famille de citadins et le bonhomme proche de la nature, les résonances réciproques vont contribuer à faire monter la tension au fil des pages de "La résurrection de Luther Grove". Violence domestique, excès dus à l'alcool, viol, accidents avec des armes à feu, rien ne sera épargné. Ce phénomène est encore accentué par la présence du frère de John, Frank, qui a la main baladeuse et le gosier en pente, et n'est guère plus mature que son frère. 

Ce roman réserve en outre quelques belles descriptions de la nature, pas toujours amène pour ceux qui s'y frottent: les abeilles de Luther Grove peuvent piquer, les arbres se faire menaçants ou traîner longtemps, une fois coupés, sur la route que l'homme des bois se réserve – il en est le propriétaire, après tout. Ces visions, de même que les flash-back évocateurs du passé de Luther Grove, ont cependant un inconvénient: ils rendent la narration un peu confuse et distendue par moments, ce qui est dommage. 

Il est même permis de se demander ce que la résurrection évoquée dans le titre est vraiment, dans ce roman... C'est donc un brin fatigué que l'on ressort de cette aventure qui, si elle paraît parfois aussi touffue que les bois qui entourent son action (sans même la respiration qu'offrirait un découpage en chapitres), n'en est pas moins bien structurée et met en scène un univers clos qui porte son pesant de violence à base de chocs entre les personnages, mais aussi de rencontre entre deux types de mentalités difficilement conciliables.

Barry Gornell, La résurrection de Luther Grove, Paris, Mercure Noir, 2015, traduit de l'anglais (Ecosse) par Nathalie Bru.

Le site des éditions Mercure de France.

Lu par Brigitte Lannaud Levy, ClarabelLaurent Greusard.

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