Olivier Papaux – Jul Jarson, le personnage d'écrivain qu'a créé Olivier Papaux pour son premier roman "Les enfants de la baie", est de retour. Dans son nouvel opus, "L'homme tournesol", le romancier suisse le place dans une institution de cures pour alcooliques sur l'île irlandaise de Mull: Jul Jarson a quelque peu forcé sur les liquides ambrés qui font le charme de la région, son talent se délite, de même que sa relation sentimentale avec Kirsteen...
C'est là qu'il fait la rencontre de l'homme tournesol, alias Martin Frazer, aveugle et défiguré. Son surnom, c'est Jul Jarson qui le lui donne, étonné de le voir constamment tourné vers la lumière qui, entre autres, vient des fenêtres. Cette soif de lumière du jour apparaît comme l'image concrète d'une soif de lumière plus abstraite. Invitant en effet Jul Jarson à écrire son histoire, c'est ses propres zones d'ombre qu'il entend éclairer.
Le début du roman est composé par les échanges entre les deux personnages, empreints de confiance, assez sages même s'ils laissent affleurer quelques drames. Le récit peut alors sembler porté, au premier abord, par la question sociale de l'alcool, vue avec ambiguïté: si Jul Jarson souhaite sortir d'une dépendance devenue trop lourde, il n'en garde pas moins le souvenir délicieux du whisky, ce qui vaut quelques lignes gourmandes aux images flatteuses. Et loin de viser une abstinence totale, il trempera à nouveau ses lèvres dans l'alcool, une ou deux fois, au fil du roman. Au risque de replonger? L'histoire ne le dit pas.
Et voilà: "L'homme tournesol" passe soudain à la vitesse supérieure lorsqu'un article de presse suisse, arrivé à propos à la clinique de cures, annonce qu'un glacier a rendu le corps d'une femme avec une boîte à violon, quelque part dans la région du Haut-Valais d'où provient Martin Frazer. Dès lors, plus question d'écouter et de noter: pour Jul Jarson, il est l'heure de mener l'enquête, d'élucider (au sens étymologique: faire la lumière!) quelques mystères, et là, ça devient captivant pour le lecteur. Et c'est dans le Haut-Valais que l'écrivain, une fois ses démons endormis, va passer une première période de liberté post-cure.
"Les enfants de la baie" trouvait place dans l'île d'Islay, où tout se sait très vite. Il en va de même dans le village valaisan de Talboden, où l'information circule rapidement par le bouche à oreille, tout en faisant l'objet d'une omerta généralisée. L'auteur recrée avec justesse certains éléments typiquement villageois, par exemple le facteur qui reconnaît à coup sûr les calligraphies de ses concitoyens. Cette information à la fois partagée et cachée constitue le carburant de l'enquête relatée dans "L'homme tournesol".
Et une fois de plus, le lecteur a l'impression, au fil des pages, que Jul Jarson est un alter ego de l'écrivain Olivier Papaux lui-même, tant il est vrai que l'écriture des Mémoires de Martin Frazer, marqués par un amour unique et tragique, se confond avec celle de "L'homme tournesol". Cette fois, ce jeu de miroirs est signifié par l'exergue que Jul Jarson se promet de placer à l'ouverture de son nouveau livre – et qui est la même celle qui figure au fronton de "L'homme tournesol" – un roman porté par une écriture fine, fluide et équilibrée entre dialogues et descriptions, reflet de la voix d'un narrateur plutôt sage mais curieux et sensible.
Olivier Papaux, L'homme tournesol, Genève, Encre fraîche, 2022.
Le site des éditions Encre Fraîche.
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