Tara Jones – "Le Contrat", tout est dans le titre de la saga de Tara Jones: Angeline Beaumont, fille d'un entrepreneur failli, se retrouve contrainte d'accepter un contrat d'un type un peu particulier: il y aura mariage, salaire, droits et contraintes pour elle. Le tout, valable au moins cinq ans, sous peine d'importants frais de dédite.
Prostitution à long terme? Il est bien sûr permis de se poser la question, et il apparaît clairement que si Angeline accepte ce contrat, c'est pressée par les besoins financiers de sa famille, soudain ruinée. Ce qui n'a pas été prévu, c'est qu'avec Geoffrey Lancaster, le promis à l'origine de ce "contrat", le courant passe tout de suite, vaille que vaille, sur un mode de guerre érotique, voire amoureuse.
Ma lecture s'arrête pour le moment aux tomes 1 et 2, publiés conjointement aux éditions Hugo & Cie à la suite d'un concours organisé par le réseau social d'écrivains Fyctia. C'est déjà pas mal pour planter le décor et en savoir davantage sur les personnages.
Le lecteur se retrouve en effet en présence de toute une série de personnages plus beaux plus riches et plus séduisants les uns que les autres, quitte à ce que cela paraisse stéréotypé. Les deux mecs qui entourent Geoffrey Lancaster, en particulier, ont en commun un physique hors du commun, chacun à sa manière. L'auteure leur confère quelques traits de caractère distinctifs, conférant à Luke une attitude ambiguë, impénétrable, et offrant à Aïdan le rôle agréable de l'éternel optimiste. Ainsi s'illustre le type du BBS, ou "bad boy sexy", motard à cicatrice en blouson de cuir, requin en toutes circonstances, au bureau comme en amour.
Côté femmes également, il sera difficile de trouver une fille qui ne soit pas vraiment canon dans l'entourage d'Angeline et de Geoffrey. Geoffrey est affublé d'une sœur un peu trop protectrice et d'une ancienne amante russe, Sasha (un diminutif masculin, pour le coup...), qui n'hésiterait pas à remettre le grappin sur Geoffrey. Quant aux alliées d'Angeline (parce que le héros ou l'héroïne d'un roman doit être entouré d'amis, de façon classique), elles sont charmantes elles aussi, et efficaces – on pense à Sarah, la juriste qui a renégocié et compliqué le contrat, ou à la fidèle Justine.
Geoffrey? Il se présente comme un personnage dominateur et arrogant, allant jusqu'à surnommer Angeline "Barbie". On adore le détester, et c'est sur cette corde sensible, entre autres, que l'auteure joue: Angeline le trouve certes insupportable, surtout au début, mais la relation, complexe, conflictuelle mais fonctionnelle, délicieusement toxique (c'est paradoxal, mais c'est un peu ça), va évoluer vers quelque chose qui pourrait être profondément sentimental. "Elle lui a vendu son corps, saura-t-il conquérir son cœur?", interroge la couverture. Nous y voilà...
L'auteure gère parfaitement cette évolution, peut-être aidée par les formats proposés par Fyctia: les chapitres sont le plus souvent assez courts et accrocheurs, terminés par un cliffhanger feuilletonesque pour fidéliser le lectorat. Et page après page, l'auteure sème ses petits cailloux, que le lecteur verra revenir plus loin après s'être demandé ce que la romancière en fera. Avec un questionnement fondamental: pourquoi deux êtres sont-ils amenés à signer un contrat aussi baroque que celui qui domine l'intrigue?
De plus, l'intrigue se révèle habilement construite, rythmée par le compte à rebours des jours qui mènent au mariage. Narrée sur une tonalité fortissimo qui privilégie presque à l'excès les moments et les mots extrêmes, éventuellement écrits en majuscules ou en gras, elle installe entre Angeline et Geoffrey une tension érotique torturée et omniprésente, renforcée encore par le fait que les scènes tendres, si explicites qu'elles soient, ne vont jamais, ou presque, jusqu'à la pénétration. Ce qui n'empêche pas, oh non, quelques orgasmes féminins, d'une puissance presque effrayante, presque irréelle, et parfois embarrassante.
Quitte à ce que les décors paraissent interchangeables et à ce que la narration semble un peu hors sol (on est à Paris, mais en fait, cela pourrait se passer à New York ou à Wollerau...), l'auteure propose avec "Le Contrat" un roman pleinement centré sur ses personnages principaux, un peu irréels à force de ressembler à des gravures de mode masculine ou féminine. Dès lors, le lecteur peut regretter ce côté hollywoodien, aseptisé à force d'être trop uniformément "beau". Mais il ne peut que reconnaître que la romancière joue en virtuose sur les tensions qui régissent les pulsions humaines.
Et la fin, alors? Bah il n'y en a pas vraiment, et le mot "fin" en fin de livre paraît mensonger. En effet, quelques questions ne trouvent pas leur réponse dans les deux tomes réunis, et la situation finale, avec deux jeunes mariés que tout éloigne finalement (ils se marièrent, mais pour vivre heureux, comme disait Panurge, voire!), n'a rien de satisfaisant. Alors, je divulgâche et je vous rassure: il y a un tome 3!...
Tara Jones, Le Contrat, Paris, Hugo Roman, 2017.
Le site de Tara Jones, celui des éditions Hugo & Cie, celui de Fyctia.
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