Catherine Gaillard-Sarron – Le temps, voilà un thème qui nous concerne tous, et apparaît donc comme universel. À sa manière, le revisite au gré de ses vers. Cela donne "La ligne du temps", un généreux recueil segmenté en quatre parties, comme les quatre saisons de l'année.
Mais le temps se mesure aussi en des rythmes plus brefs, marqueurs d'urgence. En privilégiant sans exclusive le vers hexasyllabe pensé en liberté, l'auteure rappelle que le temps se mesure par six ou par multiples de six: les douze heures de la montre (il y en a une sur la couverture, justement), et les vingt-quatre heures du jour. Douze heures? Bien entendu, quelques poèmes de "La Ligne du temps" font aussi résonner l'ampleur solennelle de l'alexandrin. Et quelques poèmes alternent des rythmes plus hétéroclites, comme si le temps perdait, au fil des thèmes, le rythme inexorable que lui taillent les horloges.
Les images que la poétesse rattache au temps peuvent paraître classiques, à l'instar du fil du temps ou de "La Ligne du temps", titre du premier poème du recueil. Cette ligne, c'est celle d'un temps linéaire, mais c'est aussi, on y pense bien sûr, la ligne du chemin de fer – réputé pour son implacable ponctualité. Et ces strophes qui commencent immanquablement par "Roulent" imposent l'image ferroviaire, encore confirmée par... l'image de couverture.
Côté images, il y a aussi cette belle trouvaille de la vie vue comme un tapis rouge dans "Le tapis de la vie", une image travaillée de façon efficace, en profondeur, pour qu'elle apparaisse dans son évidente et simple richesse aux yeux du lecteur.
C'est que qui dit temps dit vie, et donc mort. L'auteure la nomme "Camarde", presque camarade, presque un prénom: si elle n'est guère aimée, elle semble quand même familière. C'est l'enjeu de la troisième partie du recueil, qui se fait personnelle puisque plusieurs poèmes s'adressent directement à la mère défunte de la poétesse. Dans l'optique de l'oeuvre de l'écrivaine, on ne peut que penser au recueil "Frère d'âme", consacré au frère également défunt de l'auteure.
Frère, mère, on pense famille et aussi amour – et c'est le thème du dernier volet de ce recueil. L'amour est bien entendu conditionné à notre finitude, et c'est donc encore une histoire de temps. L'auteure en évoque les ressentis amoureux, mais aussi filiaux; et ces derniers peuvent aussi laisser un creux, comme le dit le poème "La chambre vide...", écrit en alexandrins qui s'efforcent, par leur longueur, de combler le vide causé par le départ de l'enfant devenu grand.
Enfin, l'auteure n'hésite pas à jouer avec les mots pour en créer de nouveaux afin de mieux dire certains ressentis, certaines réalités. Ces nouveaux mots prennent une force toute particulière lorsqu'ils apparaissent dans les titres des poèmes, comme "Pré-sens" ou "Transe-génération". C'est rare – mais suffisamment présent pour frapper.
Entre classiques rassurants, rythmés par la clepsydre ou le sablier, et audaces poétiques pour dire les surprises du temps, "La ligne du temps" apparaît ainsi comme un beau recueil de poèmes, oscillant entre maîtrise et liberté pour dire délicatement le temps qui passe, avec tout ce qu'il peut avoir d'inexorable et de triste, mais aussi d'heureux et d'étonnant.
Catherine Gaillard-Sarron, La ligne du temps, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2020.
Le site de Catherine Gaillard-Sarron.
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