L'auteur recourt à des vers d'apparence classique, massive, d'une longueur bien calibrée. Le nombre de syllabes est cependant volontiers impair, ce qui suggère, comme le dit la préfacière Sylviane Dupuis, une instabilité rythmique, "une boiterie voulue". Cette instabilité est encore accentuée par le jeu des enjambements, où la phrase, la séquence n'égale pas le vers.
Minimale, la ponctuation contribue aussi à cette instabilité en guidant le lecteur, en particulier avec ces incises indiquées par des tirets semi-cadratins qui se répondent d'un vers à l'autre. Elle contribue aussi à l'inquiétude au gré de points d'interrogation bien placés, qui interpellent le lecteur d'une manière rhétorique. Du reste, avec les mots également, le poète hèle celui qui le lit, pour mieux l'impliquer dans son propos.
Avec cela, les mots sont simples et directs, et donnent envie de déclamer les poèmes à haute voix: l'émeute, ça se crie aussi. Cette envie de parler de plus en plus fort, en crescendo, se traduit aussi par l'utilisation de vers de plus en plus longs au fil des poèmes, constitutifs de poèmes qui eux-mêmes s'allongent, occupant de plus en plus de place sur les pages. Cela, jusqu'à ce que les poèmes, sans titres, paraissent se confondre en toute fin du recueil.
Ce n'est certes pas le "livre du calme" que l'auteur propose ici, malgré son titre: peu à peu, c'est une force qui grandit dans ce recueil, au fil des vers et au fil des mots, porteurs de plus d'une révolte. Car même en formes modérément libres, la poésie ne doit jamais être calme.
Jacques Roman, Qui instruira le livre du calme (journal d'un émeutier), Vevey, Editions de l'Aire, 2020. Préface de Sylviane Dupuis.
Le site des éditions de l'Aire, celui de l'Association des lecteurs et amis de Jacques Roman.
Lu par Francis Richard.
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