Martin Suter – Est-il possible de fuir ses peurs, sa vie houleuse, simplement en trouvant un emploi loin de sa propre ville? C'est le pari que fait Sonia dans le roman "Le diable de Milan" de l'écrivain suisse alémanique Martin Suter. Faisant réponse à une petite annonce, cette jeune femme se retrouve ainsi physiothérapeute dans un hôtel niché dans une bourgade des Grisons, Val Grisch, en Engadine. Mais soudain, des choses bizarres se mettent à se produire autour d'elle, suivant une vieille légende locale: celle qui donne son titre à ce roman.
D'inspiration policière, l'intrigue est finalement assez simple et classique, et un esprit malicieux pourrait même en deviner l'issue dès le départ: ce n'est pas parce que le projet hôtelier auquel Sonia prend part n'est pas du goût de tout le monde au village que le coupable est forcément du cru. L'essentiel n'est pas là: c'est plutôt dans les ambiances campées que l'auteur excelle, et aussi dans le réalisme minutieux avec lequel l'écrivain aborde son petit monde.
On aime ainsi en particulier les scènes où l'auteur décrit les massages effectués par Sonia et, plus généralement, la description des gestes et du métier. Peu à peu, l'inquiétude, voire la peur, s'installe au fil des pages. Ces ambiances sont également soulignées par les relations que l'auteur crée entre les personnages, des relations complexes, souvent en demi-teintes ou alors en mode franchement mineur, faites d'invectives ou de manipulations.
Enfin, il convient de relever le travail de traduction réalisé par Olivier Mannoni sur ce roman. Le style s'avère efficace pour porter une lecture rapide. Le traducteur rend parfaitement le caractère visuel du texte, porteur d'une certaine poésie, vivement coloré (Sonia est atteinte de synesthésie et a vécu un bad trip au LSD – une invention suisse, soit dit en passant), jusqu'à confiner au psychédélique par moments.
Enfin, certains choix de mots peuvent paraître curieux pour un lecteur francophone suisse. Plutôt que d'émettre l'hypothèse que le traducteur, roi en sa profession, n'a pas fait les recherches nécessaires, je pars de l'idée que certaines traductions de réalités typiquement helvétiques divergent du terme officiel attendu afin d'être rendues accessibles et claires à un lectorat qui n'est pas forcément suisse – et qui goûtera, çà et là, la couleur locale des mots en romanche, maintenus par le traducteur.
Martin Suter, Le diable de Milan, Paris, Christian Bourgois, 2006/Points, 2007. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni.
Le site de Martin Suter, celui des éditions Christian Bourgois, celui des éditions Points.
Je me souviens de « business class » enfin souvenir est un grand mot car je ne me souviens ni de l’intrigue, ni de mes sensations. Alors pourquoi pas réessayer ! Bel été Daniel.
RépondreSupprimerBonjour Thaïs, merci de ton commentaire! J'ai aussi lu Martin Suter il y a très longtemps, et ça m'a fait plaisir d'y revenir. Donc oui, réessaie! Il a écrit tant de romans... Le côté "LSD", un peu psychédélique, de celui-ci, m'a rappelé "La face cachée de la lune", qui évoque une autre expérience des stupéfiants, plus urbaine, cette fois avec des champis. Bonnes lectures à toi!
SupprimerL'ambiance inquiétante et la précision des descriptions m'intéressent. Merci pour cette découverte !
RépondreSupprimerBonsoir Audrey! Oui, les ambiances de ce roman sont belles et inspirantes. L'auteur connaît un succès certain, au-delà de son petit pays, et c'est mérité: ça se dévore. Bonne fin de semaine à toi!
SupprimerUn roman que j'ai lu il y a bien longtemps et qui m'avait beaucoup marquée surtout pour son ambiance ! Je l'avais beaucoup aimé !
RépondreSupprimerBonjour Rebecca! Moi aussi, il m'a fait passer un bon moment; il y avait longtemps que je n'avais rien lu de Martin Suter, et ces retrouvailles ont été réussies pour moi.
SupprimerBonne semaine à toi!