Sarah Sumi – Sortir de la dépression nerveuse, c'est tout un voyage, avec ses méandres, sachant que l'expérience est spécifique à chaque individu et est indissociable de l'entourage, thérapeutique ou non. Avec "Trace", l'écrivaine Sarah Sumi raconte son propre vécu, qui débute avec l'expérience traumatisante du décès accidentel de son père et ne s'achève, en somme, jamais: l'ombre de la dépression plane jusqu'au bout du livre, même si l'auteure a appris, elle dit au fil des pages, à capitaliser sur des victoires conquises au cours de quatre ans de lutte.
L'ombre paternelle plane en effet sur les pages de "Trace": elle sera source de culpabilité, de souvenirs qui remontent à la surface et de ressentis contradictoires, exprimés dans des lettres écrites pour, simplement, dire ce que l'auteure a sur le cœur, positif ou non. Le monde des arts fait aussi son apparition dans ce témoignage: si le père de l'auteure aime la musique, l'auteure elle-même passer par l'écriture littéraire pour exprimer ses ressentis.
Est-ce une voie thérapeutique tout indiquée? Voire. L'histoire de la narratrice, c'est celle de soins psychiatriques divers et variés, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'art-thérapie et la musicothérapie n'ont pas toujours eu les résultats qu'a pu espérer cette personnalité au tempérament créatif.
"Trace" est en effet aussi le récit critique, sans filtre, d'une odyssée qui passe par plusieurs étapes thérapeutiques, soit auprès de spécialistes officiant en cabinet, soit auprès d'établissements de soins fonctionnant parfois comme des usines. Car oui: l'auteure relève, à plus d'une reprise, le caractère inhumain de prises en charges où, pourtant, l'humanité devrait être au centre. De son parcours, elle regrettera les praticiens infantilisants, les spécialistes peu concernés, les tentatives d'enfermement, tout en saluant les amitiés solides nées dans ce contexte.
C'est pourtant en face à face que l'auteure aborde sa dépression, née peu de temps après le décès de son père et masquée, un temps, par le soutien constant qu'elle a offert à sa mère: l'angoisse est venue après, empoisonnant son sommeil, l'empêchant même de prendre un train de peur de ne pas être à la hauteur du simple fait de l'attraper – une gêne accentuée par son caractère ressenti comme vaguement honteux: les proches ne comprendront jamais... Peu à peu, l'expérience et les contacts aidant, la narratrice développe cependant ses armes pour faire face, retrouvant peu à peu un féroce appétit de vivre. L'idée que Dieu y est pour quelque chose, que l'âme du père veille, n'y est pas pour rien non plus.
Il y a des choses qu'une personne en proie à la dépression nerveuse ne veut pas entendre, il y a des douleurs auxquelles elle souhaite échapper coûte que coûte, quitte à s'ôter la vie, et l'auteur de "Trace" est passée par là. Ce petit livre empreint de franchise relate le parcours d'une femme qui en veut, et finit par laisser à son lectorat un message d'espoir: oui, il est possible de "tracer" sa route pour s'en sortir, de gérer, de bien vivre avec les ressentis liés à la dépression. Et pour peu qu'on en ait le tempérament, creuser en soi pour écrire son parcours en profondeur peut aussi y contribuer.
Sarah Sumi, Trace, Charmey, Ed. Montsalvens, 2022.
Le site de Sarah Sumi, celui des éditions Montsalvens.
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