Julien Moreau – C'est l'histoire d'un héritage à la fois encombrant et prometteur que l'écrivain et journaliste Julien Moreau développe dans son dernier roman, "L'Héritier du Grand Hôtel". Plantons un instant le décor: c'est autour du Grand Hôtel, établissement construit sur le plateau de Charlannes près de La Bourboule, que toute l'intrigue va tourner. Son moteur? Paul Kerjean, fils du fondateur de ce splendide établissement, désireux contre vents et marées de revoir vivre ce lieu historique. Nous sommes dans les années 1970, on roule en Peugeot 504, on fume encore dans les bistrots...
La force de "L'Héritier du Grand Hôtel" repose sur la mise en scène de personnages aux caractères bien trempés et parfaitement représentés, capables de créer plus d'une scène de confrontation bien tendue. Autour de Paul Kerjean, enfant de la balle s'il en est, c'est une dynastie qui est mise en scène: le père, fondateur de l'hôtel, est un passionné à l'autorité forte, et Paul et sa sœur ont hérité de ce tempérament marqué. Autant dire qu'il y aura des étincelles, les intérêts étant divergents. Personne ou presque en effet, à part Paul lui-même, n'a envie de faire revivre le Grand Hôtel, qui a périclité pendant quelques années avant de crever, victime de la fermeture du funiculaire qui y conduisait les touristes et les curistes.
On mesure la force du caractère de Paul Kerjean, désireux de faire revivre le Grand Hôtel, à la détermination de l'adversité que l'écrivain met en scène. Cette adversité, l'auteur lui confère une place considérable, donnant au lecteur l'impression que Paul Kerjean est un David se battant contre plus d'un Goliath. Vu les méthodes mises en scène, allant de la lettre anonyme jusqu'à l'incendie en passant par le sabotage de voiture, l'intrigue emprunte certains outils propres au polar pour conduire au dénouement. Cela, y compris le doute: le lecteur est en droit de se demander, par moments, si la gendarmerie, dolente par moments, est vraiment du côté des victimes.
Réaliste et documenté, apte à poser discrètement quelques éléments pour circonscrire une époque ou une région, "L'Héritier du Grand Hôtel" est un roman accrocheur qui se lit rapidement et avec plaisir et met au jour, mine de rien, une page d'histoire du tourisme en Auvergne. Il couvre deux ou trois générations ayant vécu dans les deux premiers tiers du vingtième siècle, préservant cependant un peu de flou dans la chronologie. Et derrière une intrigue de terroir qui mêle avec adresse rêves individuels, tensions familiales et rancunes villageoises, l'écrivain évoque quelques éléments bien réels, d'un intérêt patrimonial manifeste.
Le funiculaire de Charlannes a donc bien existé, tel qu'il est décrit dans "L'Héritier du Grand Hôtel", et si son exploitation a pris fin dans les années 1950, une association nommée Fun-Rail œuvre aujourd'hui à sa réhabilitation. Le Grand Hôtel a lui aussi existé, et c'était, le roman comme les images anciennes qu'on en trouve en ligne en témoignent, un établissement imposant. Est-il encore exploité aujourd'hui? Le roman ne le dit pas. Mais en lui prêtant une légende, "L'Héritier du Grand Hôtel" le fait revivre avec beaucoup de talent.
Julien Moreau, L'Héritier du Grand Hôtel, Paris, De Borée, 2024.
Le site des éditions De Borée.
Lu par Célittérature, Mlle Cup of Tea.
J'aime bien ce genre de cadre, ça me fait penser à une série espagnole que j'avais regardée il y a quelques années...
RépondreSupprimerBonsoir Violette! C'est aussi un cadre qui m'attire, j'aime bien les hôtels. Et là, l'auteur fait revivre des splendeurs passées, ce qui n'est pas déplaisant, bien au contraire!
SupprimerBonne semaine à toi!