Raymond Farquet – "Le Valaisan n'existe pas. Il n'y a que des Valaisans!": boutade d'un ancien curé de Bovernier, cet incipit constitue le programme du récit de voyage "Le voyage amoureux" de Raymond Farquet. L'auteur a en effet pris son bâton de pèlerin pour voir, d'une contrée à l'autre, ce qu'il y a derrière les guides touristiques qui vantent un Valais de carte postale aux descriptions interchangeables. Cela, plutôt deux fois qu'une: paru en 2011 dans la collection de "L'Aire Bleue", cet ouvrage est la version largement revisitée d'un premier texte paru en 1987.
Bâton de pèlerin? Au fil des pages, on imagine en effet l'écrivain marchant (on le suppose: jamais il ne mentionne ses modes de transport) d'un village du Valais romand à l'autre, ballotté au gré des humeurs. L'écriture même en témoigne: elle prend son temps, s'étend en chapitres de longueurs variables en fonction du coin de pays évoqué, ne se précipite jamais dans des dialogues fulgurants. Avec "Le Voyage amoureux", on se promène, on regarde le paysage, on prend son temps, et on discute.
L'auteur de ce roman vagabond, en effet, part à la rencontre d'un territoire et cherche constamment à percer ce que chaque village, chaque hameau du Vieux Pays a d'unique, de particulier, pour le pire comme pour le meilleur. Pour cela, rien de mieux que de discuter avec les gens du cru! On le verra donc aborder les curés et les politiques, hanter les bistrots, parler aux femmes (on pense à la figure récurrente de Madeleine Pommard de Giétroz) ou simplement les regarder, avec ces tenues traditionnelles qui en font des mannequins folkloriques plus que des êtres vivants.
Et d'un village à l'autre, les ressentis sont divers: les taiseux d'ici ne sont pas les bavards voisins – on pense aux mentalités si diverses de la vaste commune de Bagnes, à l'esprit prêté aux gens de Bovernier ou aux folles audaces assumées et couronnées de succès des gens de Fully. Pour créer sa cartographie poétique des Valaisans, l'écrivain n'hésite pas à ruser, par exemple en demandant aux uns ce qu'ils pensent des autres lorsque ceux-ci se montrent taiseux ou adroitement fuyants.
Nourri par quelques anecdotes, finaud et parfois amusé, "Le Voyage amoureux" constitue en somme une sacrée balade auprès des gens et des lieux. Si longue qu'elle puisse paraître parfois, surtout vers la fin, la version 2011 de cet ouvrage est pourtant sans doute plus courte, plus directe que l'œuvre originelle de l'écrivain. Forte et dense, elle donne page après page raison au curé de Bovernier en révélant une mosaïque moirée de mentalités, franches ou combinardes, gaies ou tristes, travaillées par une histoire variée et marquée par la culture des arbres fruitiers comme du vignoble, par l'élevage bovin et surtout par le tourisme, venu secouer une contrée de tradition rurale et montagnarde.
Raymond Farquet, Le Voyage amoureux, Vevey, L'Aire, 2011.
Le site des éditions de l'Aire.
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