Raphaël Meneghelli – Raconter sa vie de quasi-quinquagénaire au travers de ses surnoms successifs: telle est la structure originale que le poète et artiste fribourgeois Raphaël Meneghelli a choisie pour son dernier ouvrage, "Contes de Sobriquets à l'aigre-doux". L'auteur indique ainsi que chacun de ces surnoms, certainement pas tous voulus ou appréciés, auront éclairé tour à tour une facette de sa personnalité. Et certains sont encore au goût du jour, précise enfin l'écrivain, d'emblée.
Chaque chapitre de ce petit livre porte ainsi un titre qui est aussi un des surnoms et sobriquets dont l'auteur a, peut-être, écopé un jour ou l'autre, à l'exception du premier chapitre, où ce sont les parents qui sont surnommés par leur fils: "La Grenouille et le Crapaudin". Ce premier chapitre fait figure d'exposition, suggérant un certain déterminisme: il y aura de l'alcool dans la vie de l'écrivain, dont il faudra se débarrasser (ce sera "Alcolus"). Et beaucoup d'amour ("Raffi") et d'art ("Le Cornibert", "Le Ménestrel"), aussi.
Evoquant son passé, l'auteur décide de le relater à la troisième personne du singulier. Un choix qui n'a rien de l'orgueil d'un Alain Delon: le lecteur y comprend plutôt la modestie d'un homme au mitan de sa vie, qui se tourne vers un passé qui n'est déjà plus tout à fait lui, même s'il conditionne encore son vécu d'aujourd'hui. Le choix d'une narration à la manière de contes, empruntant certains personnages ("Le Grincheux", un de ces sobriquets!) et codes langagiers au genre ("Il était une fois",...) contribue aussi à ce flou artistique voulu pour dire des souvenirs en ménageant autour d'eux le flou que les années ont imposé.
Surnom après sobriquet, la personnalité de l'auteur se révèle en adoptant le regard de ceux qui le surnomment, révélateurs malgré eux et malgré lui. L'écrivain donne à voir les écueils franchis d'une vie cahotante et tourmentée, loin d'être apaisée dans ses débuts voire au temps de l'adolescence. "Contes de Sobriquets à l'aigre-doux" laisse dès lors l'impression d'une autobiographie courageuse, écrite par un auteur désormais en paix avec lui-même mais qui, faisant face aux pièges et aux galères, n'y est pas arrivé sans mal et a trouvé sa place dans le monde des arts.
Ce que confirment encore les illustrations de l'auteur, créées selon la technique ancestrale de l'encaustique: vivement colorées, parfois conçues aux limites de l'art abstrait, elles constituent un contrepoint aux mots du poète. Des mots que l'écrivaine Dominique Annoni vient annoncer avec une préface en toute simplicité, amicale, qui donne le ton du livre: "Contes de Sobriquets à l'aigre-doux" a le goût d'un récit d'apprentissage relaté sans fioritures, si ce n'est celles qui ancrent, et c'est pertinent, chaque chapitre dans le registre du conte.
Raphaël Meneghelli, Contes de Sobriquets à l'aigre-doux, Fribourg, Les deux boucliers, 2021.
Le site des éditions des Deux Boucliers, celui de Raphaël Meneghelli, celui de Dominique Annoni.
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