Ano Kuhanathan – Mauvaise nouvelle: vous allez payer! Economiste et docteur de l'université Paris-Dauphine, Ano Kuhanathan se lance avec "Les nouveaux pauvres" dans une analyse de la période d'inflation que nous traversons. Son essai s'avère à la fois court et bien construit, dans un souci pédagogique qui démontre, en définitive, que le salariat ne va pas vers le beau.
Pédagogie? Tout commence par ce qui nous concerne toutes et tous dans "Les nouveaux pauvres": la manière dont se constituent les prix que nous payons à un moment ou à un autre. Simple et avenante, importante aussi pour la suite, la première partie du livre apparaît dès lors comme un rappel des fondamentaux de l'économie.
A partir de ces fondamentaux parfaitement en phase avec les doctrines de l'économie, qu'elles soient monétaristes ou keynésiennes, l'auteur décrit où nous en sommes. Il explique ce qui entrave les augmentations de salaire en rappelant qu'en temps d'inflation, elles ne peuvent qu'alimenter cette dernière – c'est du moins ce que l'on dit, de manière plus ou moins vraie, sous le nom de "boucle prix-salaire" (p. 19).
Peu à peu, le modèle qu'explicite l'auteur a tout d'une toile d'araignée dont les classes moyennes salariées sont les seules victimes. Cette classe moyenne, l'auteur la décrit de manière classique comme ceux qui gagnent trop pour bénéficier d'un soutien de l'état et pas assez pour pouvoir placer leur argent de manière discrète.
Cette toile d'araignée, l'auteur la décrit de façon particulièrement précieuse lorsqu'il est question d'enjeux écologiques. Partant de trois points de vue désignés par des mots nouveaux à la consonance anglaise (climateflation, greenflation, fossilflation), l'auteur indique que quel que soit le positionnement adopté, la classe moyenne va payer pour toutes et tous la transition écologique plus ou moins en cours. L'auteur décrit les mécanismes à l'œuvre de façon magistrale dans les pages qu'il consacre à ce domaine. Quant au lecteur ordinaire, contraint à terme à creuser dans ses économies ("Les nouveaux pauvres", c'est pour vous, assume l'auteur!), il peut à juste titre se montrer inquiet.
Tout se tient pourtant dans "Les nouveaux pauvres": chaque évolution évoquée par l'auteur trouve sa source dans la manière dont les prix se forment. L'auteur explicite, critique, l'argument qui dit que les augmentations de salaires contribuent à l'inflation, au contraire des dividendes. Au fil des pages, sans le dire de manière franche, l'auteur indique ainsi que c'est la classe moyenne, c'est-à-dire le salariat, qui va payer pour tout le monde.
Le diagnostic s'avère juste et argumenté, c'est vrai! Celui-ci est pessimiste, le lecteur le voit venir: les projections de l'auteur sont nourries par des questions d'actualité telles que le Covid-19 ou le conflit ukrainien. L'essayiste évoque et analyse, à partir du modèle des Gilets jaunes, les éventualités de soulèvements populaires. Loin de les exclure, il s'efforce de voir quels pourraient être leurs ferments, se référant mine de rien à la Révolution française. Reste qu'une fois étudiés tous les scénarios, le lecteur aura l'impression qu'il n'y aura guère de salut en dehors d'une forme de sobriété subie où, peut-être, ceux qui savent faire quelque chose d'utile (vraiment, hein! pas juste du marketing...) de leurs mains, artisans ou agriculteurs, tireront leur épingle du jeu.
Donc voilà: "Les nouveaux pauvres" n'est certes pas un livre qui apporte des solutions concrètes à une inflation soudain massive en Europe occidentale, si ce n'est entre autres le retour à l'indexation des salaires à l'inflation, pratiquée par la France jusqu'au milieu des années 1970. Il pose cependant des diagnostics qui paraissent corrects et, dans une optique politique, invitent le lectorat à voter pour tel ou tel candidat en connaissance de cause. Quel est l'impact de l'immigration sur l'inflation? Pourquoi les PME ne peuvent-elles pas pratiquer les salaires qu'elles aimeraient? Comment l'inflation s'importe-t-elle? Autant de questions que l'auteur creuse dans un ouvrage qui se caractérise par son style synthétique et doucement pédagogique.
Ano Kuhanathan, Les nouveaux pauvres, Paris, Cerf, 2023.
Le site des éditions du Cerf.
Lu dans le cadre de Masse Critique Babelio.
Bonsoir DF, c'est tout à fait le genre d'ouvrages que j'aime lire de temps en temps. C'est malheureusement édifiant et oui, je pense que les classes moyennes dont je fais partie vont payer. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerBonsoir Désola! En effet, celui-ci est intéressant, et accessible – ce qui ne gâche rien. Cela dit, il est pessimiste pour les classes moyennes. Bonne fin de semaine à toi!
SupprimerPardon: Dasola!
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerUn livre qui devrait aussi m'intéresser (une fois lu, je le ferais passer dans mon club d'investisseurs CIGALES), et dont dasola ne m'avait pas parlé non plus! Je vais tâcher de mettre la main dessus...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola