vendredi 31 mars 2023

Quand la tueuse mène l'enquête

Laurent Maillard – Et si pour une fois, c'était l'assassin qui menait l'enquête? C'est sur cette bonne idée que l'écrivain Laurent Maillard démarre son polar "Montmartre sur Dniepr". Aurélie Van-Roost a un lourd passé de tueuse; c'est comme chauffeur pour personnes importantes qu'elle s'est racheté un anonymat à Paris, sous le nom de Marlène Gauchet. Cette dualité va marquer tout ce roman, qui oscille entre Montparnasse et Montmartre, en lorgnant vers la Russie telle qu'elle s'est exportée à Paris autrefois.

Voyons: Marlène Gauchet, collaboratrice d'une agence de taxis haut de gamme, se retrouve, au terme d'un concours de circonstances, chauffeure attitrée de la chanteuse à succès Maonna. Mais tout ne colle pas dans cette affaire, ce qui va allumer sa curiosité. Tout débute par un hébergement de fortune organisé par Maonna, qui intrigue Marlène. Peu désireuse de voir remonter son passé à la surface, elle se protège et découvre plus d'un secret. 

Les personnages secondaires du roman ont partie à ce paquet de secrets, par exemple celui de l'origine des chansons de Maonna: en est-elle vraiment l'auteure et la compositrice? Le lecteur va en outre se retrouver face à des personnages rapidement esquissés mais hauts en couleur: un tatoueur peu scrupuleux, adepte de la thèse historique des Anciens astronautes, capable de teindre les yeux et d'implanter des puces sous-cutanées, une famille de gitans qui n'est pas sans lien avec Maonna. 

Et surtout, ce qui ne manquera pas d'intriguer le lecteur qui aime les fils rouges, il y a une vieille dame qui ne parle qu'au verre de vin blanc qu'elle boit invariablement à la table qu'elle s'est appropriée dans un bistrot. L'auteur en révèle le caractère pittoresque, mais il en fait aussi un personnage utile, par-delà ses aspérités: il fournira quelques renseignements utiles à Aurélie Van-Roost. En particulier sur la nature réelle du bâtiment qu'elle hante: une ancienne maison close qui, fermée en 1946 dans le sillage de la loi Marthe Richard, est devenue, apparemment, un lieu de vie pour étudiantes et étudiants.

Peu à peu, c'est dans un monde de bas-fonds que l'écrivain plonge son lectorat, en l'invitant à suivre un personnage principal féminin atypique, obligé de mener l'enquête tout en protégeant constamment ses arrières. Il sera donc question du fin fond des Yvelines, mais aussi de garages dont les accès sont commandés par des puces sous-cutanées et même d'une caravane de gitans où réside une partie de la vérité de "Montmartre sur Dniepr". Et pour souligner le caractère précieux de la quête, l'auteur introduit dans son intrigue un diamant aux dimensions hors normes qui ne manque pas d'intriguer le lecteur, d'autant plus qu'il porte malheur, paraît-il.

"Montmartre sur Dniepr" balade donc ses lecteurs à travers Paris pour lui montrer ce que les belles façades cachent d'interlope. Il est bien sûr permis de regretter les nombreuses coquilles qui émaillent l'ouvrage, allant parfois jusqu'à compromettre la bonne compréhension du texte (qu'est-ce qu'un "collet tenu en laisse", si ce n'est un "colley"?). Côté narration, le journal découvert par Aurélie Van-Roost aurait par ailleurs pu être davantage exploité. Ces quelques bémols exprimés, force est de de conclure quand même que portée par un personnage principal atypique, l'intrigue s'avère impeccable, tendue à l'occasion parce que l'auteur a le sens des ambiances. Et pour ne rien gâcher, elle est narrée sur un ton agréablement populaire qui, sans lourdeur, ose manier l'argot des truands.

Laurent Maillard, Montmartre sur Dniepr, Paris, Et le bruit de ses talons, 2022.

Le site des éditions Et le bruit de ses talons.

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