Jan Länden – "Leena", le premier roman de l'écrivain suisse Jan Länden, appelait une suite. Elle vient de paraître et s'intitule "Rapimentu". Le lecteur y retrouve les personnages du polar précédent, mais aussi la rigueur et le réalisme impeccables d'un auteur qui connaît la police de l'intérieur. Et force lui est de constater que ses personnages ne sont pas encore épuisés, pour ce qui concerne leur potentiel romanesque, par ce deuxième volume.
L'équipe de police judiciaire de Genève est donc de retour, autour de Leena et de quelques autres, et on la découvre toujours aussi soudée, bien que moins encline à boire des verres. Pour éviter toute homonymie avec des personnes existantes, l'auteur use d'une astuce simple: inventer des noms de famille à partir de patronymes existants et typiquement romands, par la grâce du verlan ou de la contrepèterie. Ainsi, Lambert devient Berland, Beuret devient Reubet, Duriaux devient Rudiaux (à part un oubli, p. 131...), etc. Le mélange des lettres reflète aussi le mélange des origines qui ne manque pas de se produire dans la grade ville du bout du Léman.
Dans "Rapimentu", comme le suggère le titre libellé en langue corse, il est question du rapt du fils d'un riche banquier genevois. L'auteur décrit dans le détail, avec authenticité, le travail de la police, entre stratégies, négociations, approches et poursuites. L'exercice n'est pas sans dommages et révèle, en cours de route, la part sombre de certaines âmes motivées par l'argent. Et en cours d'enquête, certains des démons qui ont hanté la policière Leena dans "Leena" sont de retour, venus harceler la "Bella Finlandese". Enfin, côté géographie également, le lecteur est gâté: de Genève, l'enquête déborde vers la France, via Marseille puis la Corse, mais aussi vers l'Italie, se ramifiant jusqu'en Calabre, d'où rayonnent les activités de la 'Ndrangheta.
Enfin, le lecteur retrouve avec Leena une personnalité très investie dans son activité policière, élément clé de l'équipe: l'écrivain ne manque jamais de souligner la déférence dont elle fait l'objet, soit par des réflexions, soit par la manière dont elle est protégée par ses collègues contre les intrusions de l'Inspection générale des services – l'occasion de mettre en scène un personnage d'inspecteur ridicule qui tranche avec le sérieux des gens de terrain.
Mais à force de se jeter dans la gueule du loup pour faire avancer l'enquête, à force de faire des détours à l'hôpital, Leena ne s'oublie-t-elle pas elle-même? L'irruption dans sa vie du personnage de Sven, précédée de celle d'un chaton qui permet à l'auteur de relater quelques scènes attendrissantes, pourrait changer la donne... et à ce propos, la fin est à nouveau ouverte, même si les coupables sont cette fois morts ou aux mains de la justice. Affaire à suivre? Après tout, le Salvator Mundi, tableau attribué à Léonard de Vinci, apparaît un peu sous-exploité dans "Rapimentu" et pourrait être au cœur d'une nouvelle intrigue, toujours aussi rapide et trépidante.
Jan Länden, Rapimentu, Genève, Slatkine, 2022.
Le site des éditions Slatkine.
Un grand merci pour votre commentaire - Jan Länden
RépondreSupprimerDe rien! C'est moi qui vous remercie pour les bonnes heures de lecture. Je vous souhaite un bon dimanche!
SupprimerTu parles très bien de ce livre et cela m'intrigue. Je verrai si je trouve Leena avant de me lancer dans celui-ci.
RépondreSupprimerBonsoir Gaëtane! En effet, même si les intrigues se tiennent de façon indépendante, expérience faite, il vaut mieux commencer par le premier... et se laisser embarquer.
SupprimerJe te souhaite un excellent week-end!