samedi 3 octobre 2020

Nuria Manzur-Wirth, la poésie comme une respiration au fil des pages

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Nuria Manzur-Wirth – "Esquilles", voilà un titre bien trouvé pour un recueil de poésie constitué entièrement en fragments. Fragments d'os, fragments de souffle? Que le lecteur se réjouisse: il aura tout cela. Et s'il le faut, il apprendra, pris par la main par la poétesse Nuria Manzur-Wirth.

"Esquilles" assume un caractère hermétique dès sa première partie, "De voix et de souffle". Il n'est pas toujours évident de suivre le sens du propos porté par la poésie de l'écrivaine, pétri par de nombreuses images étonnantes liées au corps humain. 

Dans cette première partie, la poétesse introduit le thème du souffle. Plus que le sens des mots, le lecteur se laissera donc surtout transporter par les rythmes, qui se montrent syncopés au fil de césures hardies qui suscitent l'envie d'une scansion qui respire à sa manière, au fil également des blancs typographiques.

Respiration? Tiens, justement, la deuxième partie du recueil s'intitule "Anatomie du souffle". L'écrivaine incite son lectorat à apprendre à respirer, puis se lance dans des textes où la forme est première. Elle peut prendre la forme d'éclats, les mots épousant graphiquement leur sens, ou même d'un puissant calligramme comme dans "Trajet osseux du souffle". 

Certes, les textes de cette deuxième partie sont sortis de textes d'apparence scientifique. La poétesse leur confère une dimension supplémentaire de poésie en leur donnant littéralement forme. Le lecteur est ainsi épaté par le gris typographique des pages: des éclats, des dessins. Les mots ne disent pas tout...

... d'autant moins que la troisième partie, "Anatomie comparée", confronte les langues. Le lecteur est-il polyglotte? Il le faut, un peu, pour slalomer entre le français, l'espagnol, l'anglais, l'allemand et même l'anglais. Mais est-ce si important? Encore une fois, plus que le sens strict du propos, le lecteur apprécie l'imbrication quasi amoureuse des vers écrits en langues diverses. Une imbrication qui impose même un sens de lecture inhabituel, obligeant le lecteur à revenir sur ses pas, à aller et venir, à trouver sa voie pour créer un sens possible.

Voilà bien un recueil de poésie hors norme, présenté en un format A4 généreux qui laisse toute la place à des poèmes qui soufflent au fil des blancs. Ils peuvent paraître un peu cérébraux, surtout si l'on s'arrête à leur sens premier. Mais ils respirent surtout comme un être humain, capable d'images et de parole en langues diverses. Au moins autant que le verbe, la mise en forme du propos ne peut qu'éblouir le lecteur. Mais face à une telle esthétique, est-on encore lecteur? Celui qui lit "Esquilles" est davantage un observateur esthète, et un humain qui respire avec la poétesse.

Nuria Manzur-Wirth, Esquilles, Lausanne, L'Aire, 2020.

Le site des éditions de l'Aire.

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