Georges Assima – On l'a peut-être un peu oublié, mais Charles Louis Napoléon Bonaparte, dit Napoléon III, était suisse: sa naturalisation, il l'a obtenue en 1832 dans le canton de Thurgovie – la demeure familiale d'Arenenberg, vers le lac de Constance, est d'ailleurs devenue un musée. De quoi créer un tropisme helvétique chez l'homme fort du Second Empire? C'est la question à laquelle répond l'ouvrage biographique de Georges Assima "Napoléon III, un Empereur venu de Suisse".
Court et synthétique, documenté comme il se doit, ce livre se concentre sur certains points forts liés à la suissitude de Napoléon III. L'auteur met en particulier en avant, comme un leitmotiv, sa relation avec Guillaume-Henri Dufour, personnage politique et militaire suisse de haut rang, nommé général à plus d'une reprise après avoir servi dans la Grande Armée de Napoléon Ier.
Le lecteur découvre ainsi que le parcours de Napoléon III et celui de la jeune Suisse sont intimement liés, l'Empereur montrant un souci constant du pays dont il a la nationalité. L'auteur expose ainsi de façon brève et exacte le rôle qu'il a joué dans quelques crises de jeunesse de la Suisse post-1848, tout en évoquant cette Confédération compliquée, amas de cantons qui étaient alors autant de pays, qu'a été la Suisse entre le traité de Vienne et l'Etat moderne, créé à la suite de la courte guerre civile du Sonderbund (1847).
L'auteur le révèle dès lors: Napoléon III son rôle de médiateur pour régler la situation du canton de Neuchâtel aux prises avec les royalistes favorables à la tutelle de la Prusse, et fait usage du référendum, un outil qui lui a profité à plus d'une reprise, pour régler l'affaire de la Savoie: alors que la Suisse avait des vues fondées sur la région, les Savoyards choisiront d'être Français en 1860. Mais les traités le disent encore aujourd'hui: côté suisse, la porte n'est pas close...
Côté égalité, l'auteur décrit l'action de Napoléon III pour qu'en Suisse, les Juifs soient considérés comme des citoyens parfaitement égaux aux autres: cela permet d'ajuster des situations qui, lorsqu'on les lit dans "Napoléon III, un Empereur venu de Suisse", pourraient paraître kafkaïennes aujourd'hui. Et dans le même ordre d'idées, l'auteur, évoquant la bataille de Solférino (1863), indique le rôle qu'a joué Napoléon III dans le développement de la Croix-Rouge, née de l'esprit d'un certain Henry Dunant – homme féru d'humanitaire, failli puis réhabilité, l'auteur le rappelle en passant.
L'écriture de ce court ouvrage aurait certes pu être plus fluide parfois. Mais qu'importe: l'auteur y fait preuve d'un esprit de synthèse et de pédagogie excellent pour dire, avec des mots simples et factuels, un dix-neuvième siècle historiquement complexe. De plus, "Napoléon III, un Empereur venu de Suisse" éclaire le dernier Empereur sous un jour original: celui de son tropisme helvétique, qui va bien au-delà de cet accent alémanique lourd qu'on lui prête parfois, avec un sourire amusé.
Georges Assima, Napoléon III, un Empereur venu de Suisse, Gollion, InFolio, 2023. Préface de Charles Bonaparte.
Le site des éditions InFolio.
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