Nicolas Texier – Il y a de quoi être déconcerté par "Pôle Sud", roman de l'écrivain français Nicolas Texier. Le personnage qui se trouve au cœur de l'intrigue apparaît des plus improbables: c'est Fouad Jallâladdîn Moumsen, un scientifique irakien spécialiste des pinnipèdes, le premier de sa nation à avoir séjourné en Antarctique. Quelques ectoplasmes rencontrés à Londres, au cours d'une vie voyageuse, vont le ramener en Irak, un pays encore meurtri par le conflit qui l'a opposé à l'Iran dans les années 1980.
Le lecteur se trouve d'emblée entraîné dans une écriture marquée par des paragraphes arides dans leur longueur, exempts de dialogue, qui donnent sans tarder une impression d'oppression et de difficulté d'accès. Cette difficulté, peut-on dire, reflète la pénibilité qu'il peut y avoir à vivre lors d'un hivernage dans les régions inhospitalières du pôle Sud, renforcées par le fait qu'on ne peut en sortir d'un simple claquement de doigts.
Effet collatéral: elle rend difficile aussi, pour le lecteur, l'accès aux personnages du roman, à commencer par Moumsen. Ce, d'autant plus que s'il y a un "je" dans ce roman, il semble curieusement effacé comme narrateur, concourant à une forme de distanciation surprenante et âpre. Pourtant, ce roman se mérite...
... parce qu'à force de côtoyer Moumsen, le lecteur découvre aussi des éléments plus familiers, humains, de sa personnalité. Sa propension à trouver des compagnes d'un soir sur les sites Internet de rencontre en fait partie, tant l'auteur démontre que mine de rien, le bonhomme s'y démarque par son attitude curieusement élégante, se démarquant dans l'ordinaire des hommes et des femmes qui s'y profilent. Et puis, il y a cet ectoplasme que Moumsen va croiser dans sa vie, et qui n'est autre que son oncle, apparemment revenu d'entre les morts.
La dernière partie ramène le lecteur dans l'Irak d'aujourd'hui. Elle rapproche les considérations politiques et les douleurs humaines indissociables de la guerre. Sans se départir de son écriture dense et compacte, l'auteur dit la difficulté à parler du passé, à retrouver la trace de cet oncle pneumologue dont le portrait se dessine peu à peu et dont on retient que même dans un contexte de misère noire, il s'obstine à refuser le jeu des bakchichs qui permettent à ses collègues médecins de vivre, simplement, et de faire vivre leurs familles.
Moumsen s'est retiré des affaires, l'épilogue le retrouve du côté des Orcades, l'occasion de quelques derniers échanges entre le narrateur et le scientifique. Le lecteur se retrouve perplexe: certes, le roman est beau, il fait voyager de l'Alaska à la mer de Weddell, en passant par l'Irak, la France et les îles britanniques. Souvent, le voyage aura été plus rude qu'hospitalier pour lui; mais pour autant qu'il aime les bourrasques du vent et de la vie, il y trouvera son bonheur.
Nicolas Texier, Pôle Sud, Paris, Gallimard, 2008.
Le blog de Nicolas Texier (en sommeil).
Je ne sais trop qu'en penser mais je vais plutôt passer...
RépondreSupprimerBonsoir Violette! Oui, je suis aussi resté sur une impression partagée...
SupprimerBon week-end à toi!