Quentin Mouron – On s'aime, on s'engage, on se quitte. Tout cela, sous la bénédiction du vin aigre qu'on sert dans les cafés. Le dernier opus de Quentin Mouron, "Pourquoi je suis communiste", réunit une brassée de poèmes amoureux, constitutifs d'un cycle sentimental aux tendances fusionnelles. Rappelons que Quentin Mouron est connu comme romancier; passer à une dynamique de poète implique dès lors, comme on dit, de sortir de sa zone de confort.
Le choix de la poésie peut dès lors être vu comme l'envie de dire un vécu exceptionnel, celui d'un amour avec une fille prénommée Claire. Les premiers poèmes du recueil ressemblent à des proses qu'on remet à la ligne après deux ou trois mots, certes, et ils peuvent ainsi paraître faciles. La brièveté des vers souligne cependant le côté lumineux du prénom de la personne aimée: Claire.
Côté rythme, le lecteur repère rapidement des éléments rituels comme le Café des Arcades à Lausanne, fief de l'éditeur Giuseppe Merrone soit dit en passant, mentionné de manière immuable à plusieurs reprises: c'est un lieu de rendez-vous, de retrouvailles, avec un caractère populaire assumé. Même si c'est dans le quartier "sous-gare" de Lausanne, plutôt gentrifié aujourd'hui.
Et nous voilà au cœur de l'ouvrage, ce vaste chapitre intitulé "Engagement". Ses apparences sont plus politiques que sentimentales, mais soulignent que l'un peut aller avec l'autre. Il y sera question de la ZAD d'Eclépens, d'un fonctionnaire fédéral tessinois, de capitalisme, et de covid-19 – sans oublier les masques d'hygiène, ces tue-l'amour par excellence. Le poète se positionne certes comme un homme révolté par ce qui ne va pas dans son monde, mais il ne parvient pas à prouver qu'il souhaite le changer, si ce n'est avec les mots. En particulier, l'écrivain assume de faire partie du système corrompu qu'il s'essaie à dénoncer.
Il est bien sûr permis de se demander en quoi un recueil de poèmes relatant un cycle amoureux est proche de la notion de communisme. Les nombreuses exergues de l'auteur, mentionnant Alain Badiou, Charles Baudelaire et Alexandre Kojève, donnent certes quelques pistes pour faire le lien, mais le poète, relatant une expérience personnelle, ne réussit pas à poser de façon pleinement convaincante que l'amour est un communisme. Fallait-il un autre titre, moins tapageur mais plus sincère? Il est permis de se le demander.
Quant au côté formel, l'auteur comprend pleinement les ressources qu'offre le vers libre. Le lecteur vivra donc des répétitions habilement balancées. Il connaîtra aussi des vers construits selon une structure qui malmène la fluidité du français pour dire l'incertitude ou la faute, comme dans le poème "Eloge de la fidélité". Et si le vers libre marque "Pourquoi je suis communiste", la prose poétique y a également sa place, à sa manière: elle s'intercale entre les textes versifiés, pourtant écrite selon un rituel finalement répétitif, voulu comme un rituel monotone, à base de virgules et de répétitions pour qu'une musique naisse, peut-être.
C'est donc toute une aventure humaine qui se développe tout au long de "Pourquoi je suis communiste". Alors certes, l'auteur échoue à démontrer que l'amour est un communisme, malgré des errances dans les ZAD et les bétonneurs de ce jour. Mais il dit l'amour, et aussi ce qu'il devient après la rupture, dans une pertinente noyade dans l'alcool.
Quentin Mouron, Pourquoi je suis communiste, Dole, Olivier Morattel Editeur, 2022.
Le site de Quentin Mouron, celui d'Olivier Morattel Editeur.
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