Vincent Kappeler – Signé Vincent Kappeler, "Les six vies de Salomon" est un court roman qui retrace un monde bizarre à la chronologie étendue. À l'exception de sa première partie, il développe son action dans des environnements futuristes dépouillés, d'inspiration post-apocalyptique, où évolue une tribu humaine qui affectionne les cochons.
Le lecteur voit en Salomon un personnage variable au fil du temps, comme s'il se réincarnait. Se repaissant de salades, il a été nourri par des chèvres dans sa prime enfance, ce qui lui donne une aura qui n'est pas sans rappeler certains mythes antiques, voire jupitériens – il n'est qu'à penser à la chèvre Amalthée. C'est aussi un personnage rusé, comme une référence à l'Odyssée d'Ulysse.
À l'autre extrême, l'ambiance post-apocalyptique est entre autres suggérée par la recherche effrénée de modes d'emploi, permettant l'usage des appareils vestiges de l'anthropocène – un grille-pain, par exemple.
Côté appareils, l'auteur imagine aussi un appareil étrange et cruel, la broyotine, héritière de la guillotine. Seule différence? La tête est broyée au lieu d'être tranchée, d'où le nom. Reste le caractère déshumanisant de l'exercice: supprimer la tête, de quelque manière que ce soit, c'est éliminer ce qui, par excellence, identifie les individus les uns par rapport aux autres.
L'intitulé latin des six parties du roman (Creator, Destructor, Exterminator, Conquistador, Illustrator, Envahissor) renforce le côté mythique des "Six vies de Salomon", avec cependant le recul humoristique indissociable de ces formes macaroniques. Le lecteur comprend vite que ces titres évoquent six des traits de caractère fondamentaux de l'humanité. De longueur variable, chaque partie arbore dès lors les allures d'une parabole.
"L'humanité avait encore de beaux jours devant elle", indique le texte en page 66. Ce texte charrie certes son lot d'ambiances décalées sur un fond dépouillé. Mais cette phrase paraît poser aussi que même après une chimérique apocalypse, l'humain ne changera jamais.
Lucide et dérangeant, l'auteur suggère ainsi que quel que soit le contexte, "Les six vies de Salomon" la survie ne pourrait être que la répétition de ce qui était avant, avec ses mythes fondateurs et ses travers immuables. Et que l'humanité, en particulier, ne sera jamais que le recommencement d'elle-même, absurde, désespérément. Mieux vaut en rire avec l'écrivain...
Vincent Kappeler, Les six vies de Salomon, Vevey, Hélice Hélas, 2022. Illustrations de Sjostedt, préface de Stéphane Babey.
Le site des éditions Hélice Hélas.
Bonjour Daniel,
RépondreSupprimerVoilà une proposition de lecture bien intrigante, et qui me tente fort.
Oui, c'est à essayer! Et le catalogue de cette maison d'édition suisse contient pas mal de chouettes romans - dont le mien... ;-)
SupprimerBonne journée à toi, et bonnes découvertes.
Ah mais j'ignorais que tu avais écrit un roman... je m'en vais de ce pas fouiller dans les étagères de la maison Hélice Hélas !
SupprimerEn effet - il s'intitule "Tolle, lege!". Et tout est là:
RépondreSupprimerhttps://www.helicehelas.org/copie-de-l-envol-du-bourdon-1
A essayer! Merci pour ton intérêt, Ingannmic! :-)