Le Postillon – "Le Postillon", c'est un journal local critique, friand d'analyses de fond qui jouent le rôle de poil à gratter à Grenoble. C'est sous ce nom d'auteur qu'a paru "Le vide à moitié vert", un petit livre qui réunit, retravaillés, une série d'articles écrits par Vincent Peyret et remaniés pour l'occasion. Ils interrogent le caractère écologiste de l'actuel maire de Grenoble, Eric Piolle. Et au travers de l'homme, c'est plus largement la possibilité d'une écologie politique efficace dès lors qu'elle accède au pouvoir que ce court essai interroge, sur un mode pessimiste.
L'ouvrage s'ouvre sur une réflexion fondamentale sur le rôle que joue le storytelling dans la création du personnage d'Eric Piolle, au travers du communicant Erwan Lecœur, qui lui a conféré sa stature publique. L'auteur rappelle cependant que le maire de Grenoble a également été cadre chez Hewlett-Packard, pas forcément pour le meilleur (restructurations, etc.). Cela, sans oublier le caractère sujet à caution de la production d'ordinateurs du point de vue du respect de l'environnement...
... car nous voilà dans l'un des éléments que l'auteur pointe comme faisant partie des contradictions du personnage: s'il est porté par un positionnement écologiste, il sait trouver un écho auprès d'une population grenobloise vue comme composée d'ingénieurs high-tech actifs dans les environs, habitant dans une ville construite et bétonnée à l'extrême. Ainsi, l'auteur relève quelques dissonances, par exemple l'opposition du maire à la 5G, qui soutient cependant un tissu d'entreprises technologiques novatrices pour qui la 5G est essentielle – si gourmande qu'elle soit en matériaux rares dont l'extraction est délétère pour la planète.
Inspirée par un esprit low-tech à l'écoute du collectif "Pièces et main-d'œuvre", l'approche de l'auteur interroge ainsi plus d'une action du maire. Il questionne ainsi la privatisation de l'éclairage public de la ville (à quel coût, social comme financier?), l'interdiction faite aux voitures dépassant un certain âge de circuler dans certains quartiers du centre-ville (mais les SUV hybrides ou électriques sont-ils vraiment plus innocents du point de vue du respect de l'environnement, que ce soit à l'usage ou à la production?) ou la nécessité d'organiser une grande fête conviviale pour la journée des Tuiles, prélude grenoblois à la Révolution Française (c'était le 7 juin 1788), alors que l'argent manque aujourd'hui pour certaines bibliothèques de quartier, bouclées sans autre forme de procès.
En bon reporter, l'auteur mêle les analyses argumentées et la relation avec les personnes qu'il côtoie: une femme qui le prend en autostop, les personnes qui, hors de Grenoble, admirent Eric Piolle sans réserve, ou des amis soucieux de l'environnement. Cela, sans compter des déçus du maire, jugé autoritaire dans sa manière de gérer les affaires publiques. Quant à l'écriture, elle est vigoureuse, volontiers familière pour renforcer son caractère frondeur, voire abrasif.
Alors non: on ne trouvera rien dans ce livre sur les affaires de burqini ou de violences urbaines qui ont pu faire parler de Grenoble ces dernières années. Soucieux d'unité thématique, et c'est fort juste, l'auteur se concentre sur l'observation d'un maire rouge-vert à l'œuvre, gagné par une forme de culture du pouvoir qui le pousse au compromis pour conserver sa capacité d'action. Un maire érigé en exemple: d'autres hommes et femmes politiques du même bord agiraient-ils vraiment dans un souci de protéger la planète, et de façon moins marquée par un pragmatisme qui peut pousser à externaliser la pollution pour rester propre chez soi? Et alors, l'écologie politique est-elle à l'épreuve de l'exercice du pouvoir?
Le Postillon, Le vide à moitié vert, Grenoble, Le Monde à l'envers, 2021. Illustrations de Nardo, Sylvain et Léna Saurel.
Le site du Postillon, celui des éditions Le Monde à l'envers.
Voila que tu tiens un blog politique... ;-)
RépondreSupprimerPresque! :-) En effet, je ne recule pas devant des lectures "politiques", si ça se présente.
SupprimerJe craignais d'avoir lu ce livre un peu tard (il a paru l'an passé, avant les primaires EELV), mais il reste pleinement actuel en fait.