Un seul personnage est nommé dans "Dans l'attente d'un ciel", et c'est Léo, le fils, autour duquel le propos est centré. Autour de lui, une mère fantasque qui ne s'intéresse guère à son fils et un père carrément absent. Tous deux sont sans nom, misère suprême. Même le chat, qui pourrait s'avérer attachant, est anonyme.
Léo fait donc figure de point de couleur dans un univers gris, où même la vision du terrain de basket, vue du haut d'une tour d'habitation, suggère la possibilité d'un suicide. Par des répétitions qui prennent d'autant plus de force que les chapitres sont brefs (quelques lignes), l'auteur révèle le côté immonde, insalubre, de l'appartement où tout se trame.
Révèle? A plus d'un titre! Si le prologue fait figure de programme, c'est dans le premier chapitre de la première partie que l'auteur indique qu'il va ouvrir la porte d'un "enfer invisible". Un début en une seule phrase, bref et d'une efficacité d'autant plus glaçant qu'il se passe de verbe.
En contraste avec cet environnement confiné dont la vision occupe la plus grande part de "Dans l'attente d'un autre ciel", les espaces extérieurs sont une promesse de liberté. Vraiment? Avec le basket, on pourrait le croire. Mais les chapitres en italiques qui en parlent suggèrent qu'on est en présence d'un monde certes autonome, où seul compte le ballon, maître absolu, mais qui a aussi ses règles et ses servitudes.
Alors, la mort? Celle-ci s'invite, terrible, avec des questions d'enfant dans le chapitre 16 de la première partie. Y penser, envisager le suicide, est-ce déjà une libération, un départ de ce monde confiné où vit Léo?
Pourtant, dès la deuxième partie, ce court roman se met à respirer et se fait plus onirique. Il sera question de valises, de départ, de couleurs même. Un personnage supplémentaire, féminin, s'exprime même soudain, surprenant: ce "je" dont on se demande qui il est. Un train, une plage, la mer: le rêve s'installe dans les dernières parties, plus brèves que la première, comme s'il fallait aller plus vite.
Une fois de plus, "Dans l'attente d'un autre ciel" révèle en Damien Murith un écrivain au style accompli. Chacun de ses chapitres est court, écrit à l'os et mesuré pour une intensité maximale. Ce dépouillement permet à l'auteur de conférer aux figures de style telles que l'anaphore ou aux résonances entre les chapitres une indéniable puissance. Puissance qui dit le scandale révélé, dans toute sa force.
Damien Murith, Dans l'attente d'un autre ciel, Genève, Editions d'En Bas, 2021.
Le site des éditions d'En Bas.
Je n'ai jamais lu Damien Murith et ta chronique donne envie de découvrir son style.
RépondreSupprimerIl en vaut la peine! Ses trois premiers romans ont paru aux éditions L'Age d'Homme, et on est toujours sur des séquences brèves et très travaillées.
SupprimerMerci de ton passage!