Monique Rebetez – Avec "La fille aux abeilles", la romancière jurassienne Monique Rebetez signe son deuxième roman. Elle emmène son lectorat sur les sentiers d'une intrigue nourrie par les secrets de famille qui finissent par devenir insupportables pour le personnage principal, et captivants pour le lecteur – un thème déjà présent dans "Passage de la Déroute". Pour ne rien gâcher, au contraire, son talent de peintre d'ambiances offre, page après page, l'occasion d'un véritable dépaysement, de Bâle à la Sicile.
C'est en avion, à la suite de Léo, que le lecteur se pose en Sicile. Léo? Devenu orphelin dans des circonstances compliquées (meurtre? suicide?), il est devenu papa dans un contexte tout aussi délicat. Nous voilà en présence d'un père attentif à son fils Max, mais surtout désireux d'éclairer les zones d'ombre de sa jeunesse pour en chasser les démons. Une piste? Un article de presse trouvé dans les vieux papiers de sa défunte mère.
Ces papiers, Léo les a trouvés dans la maison de ses parents, proche de Bâle et proche d'une déconstruction prélude à de nouveaux aménagements dans un espace jadis voué au redressement de jeunes garçons délinquants. La romancière excelle à restituer les ambiances froides qui naissent de ces lieux, tout comme les ressentis d'un homme devenu adulte revenant, après de longues années, sur les lieux de son enfance. Des lieux délabrés, fascinants par leur décrépitude même, qu'il relit à la lumière de la maturité acquise au fil des ans.
Cette ambiance entre en résonance avec cette Sicile, Palerme puis Cefalù, que Léo va découvrir – et où il trouvera les pièces manquantes du puzzle de son histoire familiale. L'auteure dessine de Palerme un portrait halluciné, entre ratages architecturaux, anarchie des constructions de styles divers confusion savante entre vestiges historiques et bâtiments déglingués. Et si la Cosa Nostra ne joue pas un rôle direct dans l'intrigue, elle est présente en arrière-plan, ne serait-ce que par la présentation du mouvement citoyen "Addiopizzo", constitué de commerçants qui refusent de verser le "pizzo" à la mafia en échange de sa protection.
Léo reste en contact avec son fils Max grâce au téléphone, et force est de relever que l'une des conversations téléphoniques au moins peut évoquer les "Favole al telefono" de Gianni Rodari: l'histoire de ces princes venus de tous les horizons pour faire vivre Palerme en bonne intelligence a quelque chose de surréaliste, de même que l'évocation des méduses aux airs de petites barques qui hantent telle plage. Max, lui, un jeune footballeur qui a déjà une idée du monde, n'est pas dupe: il a envie d'entendre parler de la mer, et peut-être veut-il que son père lui confirme l'image qu'il en a.
Et la fille aux abeilles, alors? Il faudra aller au bout de ce roman pour savoir qui elle est, en côtoyant entre autres un libraire engagé, des filles qui refusent qu'on leur offre un café, une Polonaise enjouée et un vieux professeur qui a vécu en France. Ecrit dans un souci de réalisme mêlé d'enchantement à l'italienne, "La fille aux abeilles" sait gérer ses méandres de son intrigue pour faire voyager son lectorat tout en lui offrant quelques agréables pauses touristiques et gastronomiques du côté de Palerme. Ainsi, ce roman laisse le souvenir d'un voyage en Italie, mais aussi, plus profondément, d'un voyage approfondi dans la vie d'un homme qui, dans la force de l'âge, cherche à se comprendre lui-même.
Monique Rebetez, La fille aux abeilles, Lausanne, Favre, 2023.
Le site de Monique Rebetez, celui des éditions Favre.
Tu présentes beaucoup d'auteurs que je ne connais pas y compris Monique Rebetez. Merci pour ces découvertes
RépondreSupprimerBonjour à toi et merci pour ton retour! Heureux de te faire découvrir des auteurs d'ici et d'ailleurs!
SupprimerJe te souhaite une bonne journée et de bonnes lectures.