lundi 20 mai 2019

Tendresse et nostalgie lors d'une rencontre de conscrits dans le Forez

Bruno-Testa-Farandole
Bruno Testa – Nostalgie, quand tu nous tiens! Avec les années, les réunions d'anciens conscrits voient les invités vieillir ou rajeunir, et les fêtes deviennent presque sages: on ripaille l'après-midi, on rentre tôt. C'est ce contexte qu'explore "Farandole", roman de l'écrivain Bruno Testa.


C'est pourtant bien les années de vie que le narrateur, Miso, se prend en pleine figure: "On était bel et bien sur le lieu du rendez-vous. Et les vieux du parking, c'était nous", lit-on dès le début. D'emblée, c'est l'occasion de dessiner quelques portraits de tous ces aînés qui se sont réunis à l'occasion d'une manifestation officielle comme il n'y en a pas eu depuis 42 ans, celle qui réunit à Saromain, village du Forez, les hommes des classes en 6, dont l'auteur, né en 1956, aurait pu être.

D'abord, le romancier observe ceux que l'on voit encore, ceux qui sont vivants. Les portraits sont rapides et bien dessinés, avec un soupçon de truculence à l'occasion. En particulier, la description du pantalon du "Coiffeur" en fin de chapitre 4 renvoie directement aux "Bals", du même auteur, avec lequel "Farandole" est en phase: "Alors, on a sorti les couilles!", entend-on encore résonner. Car "Farandole", c'est le même monde: celui des anciens de la fabrique d'eau minérale et de limonade, qui se souvient (aussi) des baloches d'antan. Un petit monde où les Italiens ont gardé un drôle d'accent, même quand ils parlent italien.

Puis viennent les défunts, occasion de plonger plus profond dans ces souvenirs qui, au fil des pages de "Farandole", s'entrechoquent avec le présent. On se souvient d'un gag de Coluche raconté au bar, des surnoms, des anecdotes et des chansons paillardes d'antan, pour revivre tout ça encore une fois. L'auteur rappelle aussi que sa classe d'âge et les plus jeunes n'ont pas vécu de guerres. Du coup, d'autres choses mènent au tombeau: "Si l'obus tue en temps en guerre, en temps de paix ce n'est pas l'eau bue qui tue, mais plutôt le canon.", cite l'écrivain, mentionnant Pierre Moulin, poète du Caveau stéphanois. Mais les accidents, les maladies ont aussi pris leur part.

L'écrivain fait passer doucement une journée de fête en France périphérique d'aujourd'hui, pas loin du monde rural, écho lointain des fins de semaine d'antan. Il y a les officialités un peu vaines, le vin d'honneur dans des gobelets en plastique, le repas avec la musique. L'auteur relève le signe des temps: tout va doucement, même "La Chenille" s'avère un pis aller: "La Danse des canards" aurait exigé trop de souplesse de la part des aînés, parfois venus avec leurs conjointes que tel ou tel essaie encore de lorgner mine de rien.

Tout cela est narré avec une immense tendresse à l'encontre de ceux qui sont restés... et de ceux qui sont partis. Cela, sous le signe tutélaire de Lamartine: "Ô Temps! suspends ton vol..."

Bruno Testa, Farandole, Lyon, Utopia, 2018.

Le site des éditions Utopia.

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