Julien Soulié – Faut-il simplifier la langue française? Ou vaut-il mieux en optimiser l'enseignement? Prenant le contrepied de certains linguistes simplificateurs à deux balles, Julien Soulié, multiple champion d'orthographe, avance qu'un brin d'humour permet de réconcilier les francophones avec les règles prétendument complexes de leur langue. Cela donne l'excellent "Par humour du français", qui admet que le français, c'est compliqué... mais en fait, pas tant que ça, si on l'aborde avec le sourire et une approche ludique.
Evidemment, la rigolade ne suffit pas: elle doit s'appuyer sur quelque chose de solide. Et au fil des pages, l'auteur joue la carte de la philologie à l'adresse du grand public. Celui-ci aime l'origine des mots, leur parcours sinueux à travers l'histoire? L'auteur dessine ces parcours à plus d'une reprise, convoquant avec érudition les racines latines, le substrat celtique et les adstrats francs qui ont fait de la langue française ce qu'elle est aujourd'hui. Cela, tout en assumant une histoire qui, à certains moments, a pris plaisir à compliquer les choses.
Le lecteur va donc se retrouver face à des fondamentaux qu'il a étudiés à l'école primaire, revisités d'une façon nouvelle. On aime par exemple l'utilisation de l'image du peintre qui, sur sa toile, explore les adjectifs de couleurs dans toutes les subtilités et nuances de leurs accords. Tout paraît simple! De façon moins innocente, l'auteur revisite les règles fondamentales d'accord des participes passés sur le ton du film d'horreur. Et, ô merveille: ça marche! En un chapitre, les bases apparaissent, évidentes, fondées sur des exemples cools. Et au surplus, les lecteurs se repaîtront des trucs et astuces que l'auteur glisse comme en aparté en des encadrés fort instructifs.
L'auteur est aussi conscient de l'évolution de notre langue française. Il l'observe à sa manière, amenant les arguments des uns et des autres. Il sera ainsi question d'écriture inclusive (l'auteur se montre ni pour ni contre, reconnaissant la pertinence des arguments en sa faveur tout en expliquant les limites de cette façon d'écrire), de simplifications des accords du participe passé suggérées par les enseignants belges retraités Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (mais non, on ne simplifiera pas: de préférence, on expliquera mieux, parce qu'en fait, c'est assez cohérent, même quand il y a un "en" qui se balade). Et l'on éclatera de rire pour de bon lorsque l'auteur considère que le trait d'union, c'est carrément Meetic. Vous allez aimer! On parie?
Leitmotiv nécessaire, il est aussi question des recommandations/rectifications orthographiques de 1990. Là, l'auteur, passionné d'orthographe depuis toujours, rappelle qu'il est aussi un virtuose des championnats de dictées: ces recommandations tolérantes, par exemple sur les mots et verbes en -ote/-oter, sont des pièges possibles en moins pour les auteurs de dictées... et des marges de manoeuvre supplémentaires pour les candidats qui les maîtrisent. Cela dit, l'auteur assume un regard esthétique sur la langue française: celle-ci est-elle moins belle avec un accent circonflexe en moins? (indice: il se pourrait bien que la réponse soit oui!)
Rappelant l'histoire de la langue française, montrant qu'elle est aussi belle qu'une cathédrale gothique qu'on ne saurait abîmer, l'auteur revêt tour à tour le costume du linguiste et celui du philologue, quitte à confondre parfois les deux rôles (diachronie et synchronie, vieille histoire...) en un beau costume d'Arlequin: le français tel qu'on le parle aujourd'hui est le fruit de siècles de maturation et d'humaines évolutions. D'un point de vue formel, l'auteur se montre astucieux en jouant avec les coquilles dans "Par humour du français!": le lecteur est mis au défi de les dénicher. Celles de l'explicit (p. 245 et suivantes) sont parfaitement assumées et expliquées, ce qui évitera quelques malaises aux puristes! On relèvera cependant "entérinée" en p. 30, curieusement accordé au féminin avec "le j". Serait-ce un rappel inconscient et transgenre du fait qu'il fut un temps où, selon les dictionnaires, les lettres de l'alphabet étaient de genre féminin?
C'est cependant peu de chose face à un ouvrage qu'on recommandera avec un enthousiasme redoublé à toutes celles et tous ceux qui ont envie de mieux connaître leur orthographe française, et même aux personnes fâchées avec elle: lui-même enseignant, l'auteur offre d'innombrables pistes pour ne pas se prendre la tête (par exemple en matière de participes passés) et écrire plus juste au quotidien, en s'amusant, dans un souci de pédagogie ludique.
Julien Soulié, Par humour du français!, Paris, La librairie Vuibert, 2019.
Lu par Bruno Dewaele.
Le site des éditions Vuibert.
Un livre pour moi. Merci du conseil.
RépondreSupprimerAvec plaisir! En plus, c'est très amusant et ça se lit très bien.
SupprimerUn livre qui a l'air intéressant, tu me donnes envie de le découvrir :)
RépondreSupprimerBonne journée !
En effet, on y apprend toujours quelque chose!
SupprimerBonne journée à toi!