Françoise Chapelon – Elle avait tout pour se faire aimer, cette vieille dame qui accueillait les femmes battues chez elles. C'est pourtant elle qu'on retrouve baignant dans son sang, dans une mise en scène évidemment macabre. Pour ouvrir "Sous le lierre...", l'écrivaine Françoise Chapelon fait fort. Ce deuxième roman s'inscrit clairement dans le prolongement de son premier opus, "Dors mon ange": en particulier, on y retrouve l'enquêtrice Camille Lorset, aux manettes de l'enquête. Ou des enquêtes, devrait-on dire.
Bien évidemment, il y a ce premier meurtre. Il sera suivi de plusieurs autres, tout aussi odieux, et il faudra gratter bien des secrets pour les élucider en un ultime retournement de situation. Camille Lorset et son équipe interrogent, réfléchissent... et se font parfois des films, littéralement: franchement, ce Michaël Meyer, au nom semblable au personnage principal du film "Halloween", jeune gars instable et souffrant à la suite d'un traumatisme, sortant mystérieusement la nuit, peut-il être le coupable? Ou faut-il inculper d'office tel homme à la main lourde? Les indices mêmes sont troublants, tendent à mettre les investigateurs sur la voie d'un taxidermiste... Les soupçons passent d'un suspect à l'autre. En contrepoint aux ambiances liées aux crimes, rendues plus pesantes encore par la pression exercée par la hiérarchie pour avoir des résultats, une voix s'élève depuis Nice: qui est-elle? Le suspens s'installe.
Mais dans "Sous le lierre...", l'auteure explore aussi une ou deux pistes personnelles autour du personnage de Camille Lorset, déjà indiquées dans "Dors mon ange". Premièrement, il y a la curiosité autour du secret qui entoure le suicide du père de Camille, un policier aux états de service exemplaires qui a cependant commis des "erreurs du passé". Un secret lourd, choquant lorsqu'il est révélé: le ressort est classique, mais il est efficace. En particulier, il permet de conférer un supplément d'humanité à l'enquêtrice Camille Lorset: elle ne saurait se résumer à son métier de gendarme.
Cette volonté de donner de l'épaisseur à Camille Lorset se prolonge encore lorsqu'il est question de ses tribulations quotidiennes: on pense surtout à cette grippe qu'elle attrape et dont elle paraît guérir bien vite, trop même peut-être. Le travail d'abord! Cette idée est cependant contrebalancée par la tentation d'avoir une vie sentimentale normale. Avec Yann, le voisin, peut-être? C'est avec finesse que l'écrivaine dessine la manière dont la gendarme Camille Lorset, investie dans son métier, gère ses sentiments au jour le jour: le chapitre 3 réserve quelques pages d'une sensualité certaine. Et puis, il y a les amis, la fratrie...
Qui peut deviner, au début du roman, que toutes ces enquêtes finiront par n'en faire qu'une seule? Jalousies, secrets, vieilles amours illégitimes: tout concourt à ce que la nuit de Halloween où tout se noue n'a rien d'une soirée d'amusement pour des gamins qui pourraient bien avoir été des témoins clés d'un meurtre. Quant à Camille Lorset, l'auteure démontre, dans "Sous le lierre...", que ce personnage a suffisamment d'épaisseur pour être le moteur de plus d'un roman. Peu décrit physiquement (seule est évoquée la couleur des cheveux de Camille Lorset, en passant), il permet au lecteur de l'imaginer pour ainsi dire comme il l'entend, ce qui favorise la rêverie...
Françoise Chapelon, Sous le lierre..., L'Horme, éditions Faucoup, 2015.
"Dors mon ange" et "Sous le lierre..." ont été réédités aux éditions BookElis, de même que "Le germe du mal", dernier opus de Françoise Chapelon.
Lu par Maryline.
Je ne connais pas du tout ! Elle est de Montbrison ?
RépondreSupprimerJe ne sais pas si elle est de Montbrison même, mais en tout cas de la Loire! J'ai eu le plaisir d'animer un débat avec elle, consacré au polar en Loire et Haute-Loire, à la Fête du Livre de Saint-Etienne il y a quelques années. Et ses livres valent la peine d'être découverts.
SupprimerBonjour Daniel, je découvre votre chronique sur mon 2° titre et je vous remercie pour cette critique fouillée et fort sympathique ! Pour répondre à Bonheur du jour, je ne suis pas tout à fait Montbrisonnaise, mais presque ! En tout cas, je connais bien la ville et ses gendarmes qui m'ont accompagnée tout au long de mes enquêtes, enfin, je veux dire des enquêtes de Camille Lorset ;-) J'espère que vous aurez bientôt l'occasion de découvrir le 3° volet (le germe du mal). N'hésitez pas à me retrouver sur mon site :https://francoise-chapelon.iggybook.com/fr/ et pourquoi pas aux Boënnales qui ont lieu ce dimanche 11 novembre, à Boën-sur-Lignon (http://uppercut42.wixsite.com/boennales?fbclid=IwAR1hoiE9f48iD07IjDz02WwftlRstTkMCrW4rQnA2CbFgfGsncOJNHf9Hrc)
RépondreSupprimerA bientôt, j'espère,
Françoise Chapelon.
Bonsoir Françoise, Merci de votre retour - et d'avoir trouvé ce billet: je n'avais pas votre adresse pour vous faire part de ce partage.
SupprimerCe sera volontiers que je découvrirai le troisième volet des aventures de Camille Lorset - je ne pourrai pas venir aux Boënnales, et l'achèterai donc probablement dans une librairie de Saint-Etienne lors d'un prochain passage dans cette ville. Pouvez-vous me dire s'il se trouve partout, s'il vous plaît? Merci! :-)