lundi 6 août 2018

Renart le goupil est de retour... à Genève!

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Yves Mugny – Avec "La Faute au loup", l'écrivain genevois Yves Mugny fait revivre le goupil le plus célèbre de la littérature française: Renart. C'est à Genève que ses aventures se poursuivent, sur un ton empreint de drôlerie qui n'exclut pas un côté engagé et partisan: l'écrivain est aussi syndicaliste.


C'est qu'il a un peu perdu de sa superbe, Renart: dans la Genève du début du XXIe siècle, on le voit âgé, dépendant de l'assistance publique, vivant dans un terrier minable, buvant des mousses et mangeant des pâtes au sésame. Autour de lui, le lecteur retrouve avec gourmandise les autres animaux du "Roman de Renart", auxquels l'auteur a ajouté quelques bestioles plus modernes, voire exotiques. Ainsi, Grimbert le blaireau s'est fait coffrer pour avoir abrité une famille de fennecs en situation irrégulière en Suisse, et promise à l'expulsion. C'est là que tout démarre. Pour que les fennecs puissent rester à Genève, Renart mène l'enquête, déjoue les pièges tout en gérant des relations parfois compliquées avec son entourage. Et l'affaire touche les sommets de la classe politique genevoise.

On l'a compris: si les personnages sont des animaux, ils sont quand même bien anthropomorphes, comme le suggère la couverture du livre, et leurs travers et qualités sont le reflet des humains d'hier comme d'aujourd'hui. Nombreuses sont dès lors les allusions à la politique suisse en général (allusion rituelle aux moutons noirs et blancs, qui ont bien survécu à une campagne électorale de la droite dure suisse), et genevoise en particulier. Baudet l'âne, en particulier, apparaît comme une caricature transparente de Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Toutes ces allusions parleront aux lecteurs friands de "genevoiseries".

Bien sûr, il faut pour ce bestiaire un langage adéquat. L'auteur n'y manque pas, ajustant son lexique à la situation – ce qui ne contribue pas peu au ton volontiers truculent de ce roman. Ainsi, c'est bien des "mousses" que Renart aime boire, jusqu'à l'ivresse. Par ailleurs, on sourit au fait que le mot "merde" est systématiquement remplacé par "fiente", quitte à ce que cela débouche sur des néologismes hardis. On parle aussi volontiers de gallinacés et de poules, forcément en mauvaise part. Et puis, il y a cet art consommé du namedropping où les noms des célébrités et de leurs œuvres sont revus à la manière animale. Enfin, les dialogues prennent pas mal de place dans "La Faute au loup", et ils claquent, pleins d'humour.

On peut certes regretter un parti pris un brin trop marqué chez l'auteur, qui réserve une bonne part de ses piques à ceux qui, parmi ses personnages, ont le cœur et le cerveau bien à droite. Le lecteur peut cependant s'y attendre! Réciproquement, l'auteur fait montre d'une tendresse manifeste pour les personnages vus comme faibles ou en détresse. Il y a donc de quoi réfléchir ou nourrir le débat, entre autres sur le rapport des Suisses ou des Genevois avec les étrangers, qu'ils soient frontaliers ou migrants de plus lointaine origine, considérés comme en situation de faiblesse. Et surtout, il y a de quoi sourire, de quoi rire même. Beaucoup.

Yves Mugny, La Faute au loup, Genève, Cousu Mouche, 2018.



Le site d'Yves Mugny, celui des éditions Cousu Mouche.

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