Jean-Yves Dubath – Exigeant avec lui-même, l'écrivain suisse Jean-Yves Dubath l'est assurément aussi avec son lecteur, auquel il offre livre après livre le trésor d'une écriture précieuse et ciselée, précise aussi, qui affectionne les phrases assez longues à la respiration ample. "Commerce" ne fait pas exception. Paru à la fin 2017, ce court roman relate la relation tortueuse entre le peintre suisse Julius et un Roumain nommé Basile.
Choc des cultures, choc des situations financières aussi, entre le Suisse présumé nanti et le Roumain qui vit de la revente des objets encombrants récupérés sur les trottoirs des villes Suisse. Mais qui est le plus à l'aise? Artiste, Julius a certes des économies, mais vit doucement de son art. Dès lors, il voit en Basile une opportunité de vendre davantage de "tableautins", représentant une Suisse de carte postale, voire d'ouvrir une galerie en Roumanie. Péché d'hybris qui le perdra: l'intrigue se noue autour du détournement par Basile des économies d'un Julius soudain dessillé. Basile, quant à lui, se débrouille bien avec son business, certes fondé sur le trafic du trop-pleine d'un pays dit riche; il va jusqu'à hanter, bien que marié, des "clubs à néons de plus en plus rouges et à filles mal promises".
Détournement d'économies? Telle est en effet la faille dans une relation presque amicale entre deux personnages. Julius a certes envie de pardonner. Le fera-t-il? Il lui faudra trouver une position aussi face à Basile, qui l'arnaque, fait la fine bouche, n'honore guère ses rendez-vous et, francophile, médit de la Suisse: "Je déteste les gens, ici, je déteste ce pays, je suis obligé d'y être; il faut payer pour tout..." Dès lors, faire payer un Suisse pour tous les autres est tentant. Comment cela va-t-il se terminer?
L'auteur n'hésite pas à intégrer à son riche vocabulaire les marques des objets et des lieux qu'il fait intervenir. Cela n'est pas gratuit. En particulier, la mention de marques anciennes et généralement européennes d'appareils tels que les radios suggère une solidité qui remonte à des temps immémoriaux – parfaitement en phase avec la possibilité de les réparer et de leur donner une seconde vie. Il y a le Relay aussi, celui de la gare, lieu de passage, comme si les amitiés entre les hommes n'étaient elles aussi que passages dans la vie. Et les crayons Faber-Castell de Julius, suggérant là aussi une certaine manière de faire de l'art.
De la Suisse aux marches de la Roumanie, c'est une intrigue assez simple, autour d'un commerce atypique et informel, que l'écrivain met donc en place, mettant en scène deux seuls personnages masculins. Cette simplicité est cependant magnifiée par une écriture soignée, précise et opulente, qui n'obscurcit cependant jamais le propos.
Jean-Yves Dubath, Commerce, Genève, Editions d'Autre Part, 2017.
Le site des éditions D'Autre Part.
Egalement lu par Francis Richard.
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