Vincent Kappeler – C'est dense, ça va vite, Eros et Thanatos se donnent la main dans un univers légèrement décalé: le lecteur de "Love Stories", dernier livre de l'écrivain suisse Vincent Kappeler, est averti. Rapidité fulgurante et ton décalé: bienvenue en Sibérie orientale, loin de tout, pour revenir à l'essentiel. Et il est à noter que le premier chapitre fait brillamment figure d'exposition. Tout est là, les personnages principaux et le ton du livre.
La Sibérie fait figure de lieu lointain et mal défini. Pas touristique pour deux sous, l'auteur ne la décrit guère, quand bien même il annonce, dès le premier chapitre, que son personnage, Armand Schneider, a fait un long voyage. Météo capricieuse, amours lointaines, relations avec d'anciens zeks restés sur place après un séjour au goulag: tels sont les contours d'une région. Des contours largement dessinés, au gré de chapitres courts qui prennent volontiers la forme de lettres.
Ces lettres, ce sont des tons différents à chaque fois. Elles remontent parfois du fond de la jeunesse des personnages, à l'instar de celle adressée par Bastien à Laura Schwab. Une lettre d'adieu d'un copain suicidaire qu'elle a voulu séduire, et qu'elle a invité à compter les arbres en forêt – une riche idée! Le suicide de ce copain fait écho à la mort du cochon d'Inde de Laura, gavé de risotto et enterré dans un cercueil. Il y aura d'autres décès tout au long du roman, à la suite d'éboulements ou d'accidents de voiture par exemple.
On relèvera justement que si le premier chapitre s'intitule "Fin de route", c'est justement en se jetant sur une autoroute que Bastien s'est suicidé. Deux formes de fin du voyage... de telles résonances sont fréquentes dans "Love Stories". Il y a aussi ce cercueil mangé par un ours, écho de celui où repose le cochon d'Inde de Laura Schwab ou d'un teckel également enterré dans un carton à chaussures. Mais ces hommages funèbres, rituels mettant solennellement fin à un lien fort, sont aussi des histoires d'amour...
... alors que celles des humains s'avèrent fragiles ou mornes, sujettes aux hasards de la vie. Il y a bien sûr les étreintes du côté de Magadan, au fin fond de la Russie, mais il y a surtout la vie de couple d'Armand Schneider, évoquée dès le premier chapitre: sa femme, Mathilde, s'avère pour le moins désinvolte alors qu'il revient de voyage. L'habitude du vieux couple? Jeu d'échos encore, le premier chapitre du livre entre en parfaite résonance avec le dernier, qui réaménage ce qui a pu être dit en début de livre. Cela, jusqu'aux attentes extravagantes d'Armand face au personnel de service auquel il s'adresse, à l'hôtel comme dans l'avion. Et toujours, la serveuse sourit... et rien ne se passe comme prévu.
Sous des apparences légères, "Love Stories" s'avère un roman rigoureusement construit, dont le ton fait à la fois sourire et méditer, rappelant que l'amour et la mort ne sont jamais loin, et jamais loin l'une de l'autre. "Puis, tout compte fait, si nous nous condamnons inlassablement à répéter les mêmes erreurs pourquoi ne pas s'en divertir?", dit la quatrième de couverture. Eh bien justement: en plus de faire sourire, la répétition de ces erreurs est la base du jeu infini d'écho du court roman de Vincent Kappeler.
Vincent Kappeler, Love Stories, Lausanne, L'Age d'Homme, 2018.
Le site des éditions L'Age d'Homme.
La Sibérie fait figure de lieu lointain et mal défini. Pas touristique pour deux sous, l'auteur ne la décrit guère, quand bien même il annonce, dès le premier chapitre, que son personnage, Armand Schneider, a fait un long voyage. Météo capricieuse, amours lointaines, relations avec d'anciens zeks restés sur place après un séjour au goulag: tels sont les contours d'une région. Des contours largement dessinés, au gré de chapitres courts qui prennent volontiers la forme de lettres.
Ces lettres, ce sont des tons différents à chaque fois. Elles remontent parfois du fond de la jeunesse des personnages, à l'instar de celle adressée par Bastien à Laura Schwab. Une lettre d'adieu d'un copain suicidaire qu'elle a voulu séduire, et qu'elle a invité à compter les arbres en forêt – une riche idée! Le suicide de ce copain fait écho à la mort du cochon d'Inde de Laura, gavé de risotto et enterré dans un cercueil. Il y aura d'autres décès tout au long du roman, à la suite d'éboulements ou d'accidents de voiture par exemple.
On relèvera justement que si le premier chapitre s'intitule "Fin de route", c'est justement en se jetant sur une autoroute que Bastien s'est suicidé. Deux formes de fin du voyage... de telles résonances sont fréquentes dans "Love Stories". Il y a aussi ce cercueil mangé par un ours, écho de celui où repose le cochon d'Inde de Laura Schwab ou d'un teckel également enterré dans un carton à chaussures. Mais ces hommages funèbres, rituels mettant solennellement fin à un lien fort, sont aussi des histoires d'amour...
... alors que celles des humains s'avèrent fragiles ou mornes, sujettes aux hasards de la vie. Il y a bien sûr les étreintes du côté de Magadan, au fin fond de la Russie, mais il y a surtout la vie de couple d'Armand Schneider, évoquée dès le premier chapitre: sa femme, Mathilde, s'avère pour le moins désinvolte alors qu'il revient de voyage. L'habitude du vieux couple? Jeu d'échos encore, le premier chapitre du livre entre en parfaite résonance avec le dernier, qui réaménage ce qui a pu être dit en début de livre. Cela, jusqu'aux attentes extravagantes d'Armand face au personnel de service auquel il s'adresse, à l'hôtel comme dans l'avion. Et toujours, la serveuse sourit... et rien ne se passe comme prévu.
Sous des apparences légères, "Love Stories" s'avère un roman rigoureusement construit, dont le ton fait à la fois sourire et méditer, rappelant que l'amour et la mort ne sont jamais loin, et jamais loin l'une de l'autre. "Puis, tout compte fait, si nous nous condamnons inlassablement à répéter les mêmes erreurs pourquoi ne pas s'en divertir?", dit la quatrième de couverture. Eh bien justement: en plus de faire sourire, la répétition de ces erreurs est la base du jeu infini d'écho du court roman de Vincent Kappeler.
Vincent Kappeler, Love Stories, Lausanne, L'Age d'Homme, 2018.
Le site des éditions L'Age d'Homme.
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