mercredi 13 août 2025

Obsessions, chers soucis

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Christine Avel – Tout le monde a ses obsessions, n'est-ce pas? Dans les douze nouvelles du recueil "L'apocalypse sans peine", l'écrivaine Christine Avel en développe un certain nombre, dans un souci constant d'originalité. Ecrite avec rigueur, chaque nouvelle a sa tonalité. L'autrice excelle à se mettre dans les personnages qu'elle met en scène: un peu d'ironie urticante dans "Le Paradis d'avant la pomme",  ou d'envie de vacances exprimée de manière gourmande avant la fin du monde dans "L'Apocalypse sans peine". 

L'auteure a par ailleurs le chic de mettre en lumière des obsessions a priori improbables qui font découvrir, à l'occasion, des univers insoupçonnés. On pense à l'espéranto dans "La koko kantas", seule et modeste originalité d'un vieux couple qui vit à Sainte-Feyre, dans la Creuse – dont l'auteure dresse du reste, à travers le narrateur, un portrait bien terne. La nouvelliste sait aussi viser au plus profond de l'inconscient humain lorsqu'elle évoque l'obsession d'une odeur: c'est "L'Odeur", qui se dégage dans l'appartement qu'un jeune couple vient d'intégrer.

Côté improbable, ça va même assez loin, si l'on pense à cette nouvelle, "Tchen soulèvera-t-il la moustiquaire?", fondée sur un André Malraux considéré comme à la fois soporifique (on s'y attend, franchement) et objet d'excitation sexuelle (ça, c'est beaucoup plus original!). Tout cela, vécu par deux Français expatriés sur les terres de "La Condition humaine" sans trop savoir pourquoi: tâches administratives ou vagues piges? Cela ne les empêche pas d'être amants, mollement.

On relève enfin, d'autant plus que Christine Avel est aussi une auteure qui s'adresse à la jeunesse, la remarquable capacité de la nouvelliste à se mettre dans la peau d'un enfant: c'est tout le génie de "Bastien", ce garçon qui s'invente des jeux en mer, quitte à se noyer, alors que sa mère n'a d'yeux que pour son amant. Bastien doit-il vraiment son salut à une mouette qu'il a intégrée à ses jeux?

Sans cesse renouvelée, l'écriture de Christine Avel conserve cependant ce qu'il faut de suivi pour que "L'apocalypse sans peine" apparaisse comme un recueil cohérent. Le lecteur constate des motifs et des couleurs récurrentes, tirés par exemple du catholicisme tel qu'on le connaît depuis son catéchisme. Constante aussi: le plus souvent, les personnages sont des Français anonymes, parfaitement ordinaires même lorsqu'ils visent à aller plus haut – on pense à "L'ascension", qui se déroule presque par exception dans le monde inhospitalier des hautes altitudes himalayennes. 

Tout cela dit que le recueil de nouvelles "L'apocalypse sans peine", dans tout ce qu'il peut avoir de décalé ou de caricatural a priori, constitue une occasion bien ciselée, pour le lecteur, de prendre le temps de réfléchir à ce qui peut l'obséder.

Christine Avel, L'apocalypse sans peine, Paris, Le Dilettante, 2006. 

Le site des éditions Le Dilettante.


2 commentaires:

  1. Tiens, intéressant et original, je trouve.

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    1. Bonsoir Violette! Pour moi, ce fut une surprise, originale en effet! Les boîtes à livres recèlent parfois de ces trucs... dédicacés en plus! ;-) Je te souhaite une excellente semaine, chère Violette; merci d'être passée!

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