mercredi 20 août 2025

Ruptures toujours recommencées, entre incendie volontaire et séquence Nahel Merzouk

temp-Imagemin-Oo4
Quentin Mouron – Une poignée de destins qui se croisent au moment des vacances, un incendie dans une chambre: c'est là que tout se noue dans "La fin de la tristesse", dernier livre de Quentin Mouron. Cet opus est un roman des ruptures, certes, mais aussi celui des recommencements – relatés en particulier dans les dernières de ses cinq parties.

Le lecteur se trouve en présence de personnages bien caractérisés, dont le profil apparaît cependant peu à peu. Il y a Clémence qui aime peindre et est mariée à Gilles, un lecteur du "Figaro", Césarée au genre incertain et son ami Maxime, et aussi Anastasie, qui est peut-être aussi A., la compagne du narrateur. 

Entre ces personnages, vont se jouer des ruptures amoureuses, mais aussi idéologiques, fondées en partie sur le choc des générations. Il convient de relever que pour l'auteur, ces ruptures sont finalement similaires. Larvées longtemps, elles peuvent aussi se réveiller à l'occasion d'un choc; dès lors, l'incendie provoqué par Anastasie peut être vu comme annonciateur de ce qui viendra.

Pour faire choc, justement, l'auteur puise dans l'actualité en convoquant la séquence Nahel Merzouk et les émeutes qui ont suivi – un procédé qu'il a déjà utilisé dans "Vesoul, le 7 janvier 2015", autour des attentats à l'encontre de Charlie Hebdo. Il est permis de considérer que le rappel des enjeux de cette affaire paraît un peu raide dans "La fin de la tristesse", et condamne peut-être ce roman à un oubli qui ira de pair avec celui du fait divers en question. Certaines omissions et manières de dire peuvent par ailleurs suggérer de quel côté penche l'auteur, même s'il s'efforce, tout au long du livre, de ne (presque) pas juger.

Mais l'essentiel est ailleurs: l'auteur réserve sa finesse à la description des réactions des uns et des autres, contraints par la force des choses de prendre position. Il y aura un effet d'entraînement fatal pour Maxime, les réactions désapprobatrices d'aînés, des confrontations familiales. Et au milieu, comme un moment de calme après la tourmente, la relation de la brève idylle entre le narrateur et A., vécue entre Paris et Genève, avec une ivresse éthylique qui vient répondre à l'ivresse des sentiments. Cet intimisme surprend après l'évocation des émeutes de l'été 2023.

Un mot enfin sur le style: celui-ci relève d'une manière d'écrire qui est celle du poète qui aime affirmer qu'il soigne son écriture et que le lecteur s'en aperçoive, fondée sur des paragraphes qui se terminent par des virgules pour faire de chaque chapitre une longue phrase. Il en résulte un rythme berceur, même aux moments les plus forts ou dramatiques, marqué de temps à autre par des ponctuations qui sont autant de petites syncopes musicales dans le tissu du texte. 

Quentin Mouron, La fin de la tristesse, Lausanne, Favre, 2025.

Le site de Quentin Mouron, celui des Editions Favre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Allez-y, lâchez-vous!