Gordon Zola – Ouvrir un livre de Gordon Zola, c'est avoir la garantie de plus d'un fou rire. Et quand l'heure est au pastiche romancé de "Tintin et Milou", les amateurs de jeux de mots sont à la fête. En écrivant "Les bijoux de castrat fier", l'écrivain Gordon Zola propose une nouvelle lecture de "Les pies jouent de la castagnette" de Pauline Bonnefoi, elle-même inspirée par "Les bijoux de la Castafiore" d'Hergé. Et qu'on ne me demande pas de hiérarchiser: à leur manière, tous ces livres valent le détour. Qu'on me permette d'évoquer ici ma dernière découverte dans ce créneau: "Les bijoux du castrat fier".
Et rappelons, l'espace d'une phrase, l'enjeu de la saga "Saint-Tin et son ami Lou": cette parodie des aventures de Tintin suivent un personnage, Saint-Tin, à la recherche de son père, en compagnie d'un perroquet nommé Lou. Recherche du père? Il est permis de penser que toute la saga a pour figure tutélaire, par-delà même son auteur Gordon Zola, un certain Serge Tisseron, qui a identifié chez Hergé un secret de famille susceptible d'éclairer d'un jour nouveau l'œuvre du dessinateur belge – pour ne pas parler de sa biographie.
"Les bijoux du castrat fier" se révèle habile dans son écriture: c'est un roman policier qui emprunte aux usages du "whodunit" pour sa structure, et revisite adroitement tout ce qu'il y a dans la bande dessinée qui l'inspire. Ainsi, la marche cassée des "Bijoux de la Castafiore" devient un trou dans le plancher du château de Moulin Tsar – et un running gag (d'ailleurs, et cela va sans dire, le capitaine Aiglefin, personnage du roman, boit comme un trou!). Les gammes de Wagner, quant à elles, deviennent des travaux de correction typographique destinées à Alba Flore, romancière à succès qui, on le devine, est le pendant de la Castafiore.
L'auteur fait aussi de "Les bijoux du castrat fier" un roman sur l'appropriation du territoire en mettant en scène le capitaine Aiglefin, constamment désolé de devoir accueillir en son château de Moulin Tsar, légitimement hérité, des personnages plus ou moins désirables. Repris de la bande dessinée, l'accueil de tsiganes donne lieu à quelques échanges avec Saint-Tin sur les modalités du vivre-ensemble tel qu'il fait débat en France. L'accueil pas forcément souhaité de visiteurs au château, en revanche, donne lieu à des scènes cocasses qui vont en crescendo: la police, un représentant de commerce, et même Saint-Tin et le professeur Margarine, vus comme des squatteurs plus ou moins tolérés au château. Tout au long du roman, Aiglefin défend ainsi son territoire...
Et ce castrat, alors? C'est à cause de lui qu'un coup d'Etat manqué dans un pays lointain finit par se cristalliser au château de Moulin Tsar. L'imbroglio est massif: une affaire internationale va trouver son aboutissement dans un château de France, détenu par un particulier. Le castrat s'appelle Maskar Pom, et force est de relever qu'un tel nom est propice aux jeux de mots. L'auteur ne s'en prive pas... L'évocation fromagère renvoie à un autre personnage du roman, Igor Donzola, assistant d'Alba Flore, qu'il est permis de voir comme un double de l'écrivain. Ah, et pour compléter le tableau, il y a même une intrigue amoureuse.
Ainsi se découvre, un tout petit peu, "Les bijoux du castrat fier", édité en des atours qui saluent la ligne claire et le coup de crayon d'Hergé. Ce roman est une délicieuse comédie qui, en déconstruisant "Les bijoux de la Castafiore", lui rendent un digne hommage et en suggèrent une lecture très personnelle mais pertinente de bout en bout – les jeux de mots en plus, ceux-ci étant le trait de style typique des romans de Gordon Zola.
Gordon Zola, Les bijoux du castrat fier, Paris, Le Léopard démasqué, 2024.
Le site des éditions du Léopard démasqué (ou pas).

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