Hervé Mosquit – Il y a un côté "promenade dans le canton de Fribourg" dans "Fichue mallette", l'un des derniers romans de l'écrivain suisse Hervé Mosquit. Le lecteur est invité à se glisser dans la peau d'un professeur du Collège Saint-Michel, victime de déboires liés à sa mallette pleine de copies... et à une autre, parfaitement identique mais bourrée de documents comptables compromettants. Faut-il vraiment toujours rendre service aux autostoppeurs?
L'auteur dessine ainsi le virage que peut prendre un parcours de vie. Pour concevoir la vie d'Othon Pourtois, le fameux enseignant, narrateur du récit, l'auteur souligne le caractère fondamentalement ordinaire du bonhomme: "Je suis donc prof, un métier qui met à l'abri de la richesse et de la pauvreté mais qui comporte son lot de pensums, de défis et de soucis", expose ce père de famille, domicilié dans une maison villageoise avec sa femme, d'origine portugaise et ses deux enfants. Son nom en forme de jeux de mots apparaît dès lors comme sa touche de personnalité marquante, tout comme ses ruches - qui, on peut le regretter peut-être, ne jouent aucun rôle spécifique dans ce roman, si ce n'est renvoyer à son auteur, lui-même apiculteur.
En sa qualité d'enseignant, le bonhomme aime bien expliquer. Cela donne entre autres quelques bonnes leçons de géographie et une mise en contexte historico-politique dont un lecteur fribourgeois se passera peut-être, mais qui pourront être très informatives pour des lecteurs plus lointains. Mais cela donne aussi, et c'est un peu dommage, la présence régulière de l'expression de révoltes sociales qui, récurrentes et guère contredites, donnent l'impression qu'Othon, et derrière lui l'auteur peut-être, veut imposer un message.
Le lecteur s'attachera davantage aux côtés les plus sympathiques de ce roman. La vie familiale d'Othon est ainsi dessinée avec soin et tendresse, ainsi qu'avec un zeste d'humour potache à base de "Monsieur et Madame ont un fils..." et de vannes entre frère et sœur. Il y a aussi de la solidarité dans cette maisonnée, puisque lorsque les propriétaires légitimes de la mallette disparue découvrent qu'il y a eu maldonne, le fils est kidnappé. Dès lors, on serre les rangs et l'auteur indique avec justesse que les petites querelles domestiques ne sont que peu de chose face à une telle épreuve.
L'ambiance est également familière en présence de la police, qui fait une irruption bienveillante dans l'existence des Pourtois: surveillances rapprochées, résidence à l'écart pour éviter tout risque pour d'autres membres de la famille. Le narrateur, Othon donc, rappelle aussi le passé de l'un ou l'autre des policiers qu'il côtoie et qu'il finit par tutoyer, ce qui dénote une complicité certaine. Quant à l'intrigue, elle rebondit d'une mallette à l'autre, allant jusqu'à en inviter une troisième dans la danse. Et en fin de roman, le lecteur, tout comme le narrateur, aura une surprise – telle est la loi du polar.
"Fichue mallette" apparaît ainsi comme un court roman à l'intrigue bien construite et originale, même si, à force de jouer la carte des bonnes causes, le style perd parfois en rythme. Avec cet opus, Hervé Mosquit surfe sur la vogue du polar et du roman de terroir, devenue endémique en terre suisse romande.
Hervé Mosquit, Fichue mallette, Anetz, Book Envol, 2021.
Le site des éditions Book Envol.
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