Histoire de poule (2)
Y avait une poule alcoolique
au premier sous-sol
du 12, chemin des Croix-Rouges.
La Barras qu'on l'appelait,
une Fribourgeoise,
on l'entendait gueuler
dans le couloir
soit qu'elle s'était cognée
dans l'escalier
soit qu'elle pestait
contre un client.
«La Barras rentre pionne» disait le père...
On la croisait des fois
en fin de matinée
en schlappes ou même bleu ciel
avec une ligne sur le côté
pour faire sport ou Dieu sait quoi
des lunettes noires sur le nez
– oh pas de Ray Ban, des bon marché –
pour cacher sa figure
et les valises sous ses yeux.
Elle s'en allait chercher
ses cigarettes au kiosque
comme on disait chez nous,
émergeant de ses nuits
noires de bringues
de gueulées
et de coups.
Jamais on aurait eu
pour la Barras
une seconde de pitié.
Jamais on aurait suspendu
ne serait-ce qu'un instant
cette espèce de mépris ricanant
et haineux qu'on vouait forcément
aux créatures de son espèce.
La Barras,
c'était une poule.
Une poule qui picolait
en plus.
Antoine Jaccoud (1957- ), Adelboden, Lausanne, Editions HumuS, 2014.
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