Titiou Lecoq – Le livre "Sans télé, on ressent davantage le froid" rassemble une brassée de billets parus sur Girls and Geeks, le blog (aujourd'hui en sommeil) de Titiou Lecoq, entre 2008 et 2013. Au fil des pages, le lecteur retrouve une tranche de vie, celle d'une vingtenaire en fin de bail (ou d'une toute jeune trentenaire) recherchant sa place dans la trépidante vie parisienne. Il y a donc là des réflexions personnelles de fond (notamment sur le sexe) et la chronique des aléas de la vie quotidienne.
Le point de départ? Titiou, jeune femme désorganisée, fauchée comme les blés, recherche désespérément des piges à effectuer pour gagner de quoi, simplement, vivre. Ce qui n'a rien d'évident quand on a un diplôme de sémiotique et qu'on tient à travailler depuis son canapé, en freelance – une vocation pour la narratrice, qui a été épatée, en lisant un périodique aujourd'hui disparu, qu'on puisse écrire des "conneries" (p. 43) et recevoir un salaire pour ça.
Le lecteur se retrouve ainsi à l'écoute des galères de Titiou. Deuil d'une séparation compliquée, déménagements incessants au gré des besoins, des moyens et des hommes, vacances gâchées, travaux chichement salariés pour assurer au moins la survie matérielle, rapport complexe à la nourriture, récit sans fard des avanies de la maternité: il ne manque aucune anecdote. L'auteure a le chic de dramatiser chaque épisode pour le rendre accrocheur.
Tout cela, de manière cash, sans souci de se donner le beau rôle. Dès lors, la Titiou du livre peut apparaître agaçante aux yeux d'un certain lectorat: tendance à voir le verre à moitié vide et à râler, contradictions personnelles et dissonances cognitives, voire une certaine immaturité dont la narratrice est consciente, tout est là, à prendre ou à laisser.
Cela, sans oublier une forme de misanthropie qui rend certaines interactions sociales compliquées pour elle, alors qu'elles sont fluides pour tout un chacun (épisode de l'homme qui aide Titiou à porter sa poussette dans les escaliers du métro parisien, radiographié dans ses moindres détails). Associée à la détestation foncière du travail et à des stratégies d'évitement de certaines situations de contact, cela donne une fille qui rédige depuis son sofa, addict aux écrans – qui créent pour elle une forme confortable de distanciation sociale avant l'heure.
L'intérêt de ce livre au rythme rapide est cependant double: il y a d'abord, en filigrane, la question sociologique de la vie d'une jeune diplômée à Paris durant les années Sarkozy: est-il possible qu'il soit si difficile de trouver un emploi après de longues études, et d'être rapidement autre chose qu'une working poor diplômée? Et puis il y a le ton, volontiers drôle et grinçant, fait de sarcasmes et de traits d'esprit bien marqués, outranciers même, qui favorisent l'impression que la vie de Titiou est toute une aventure. Ou un poker, pour reprendre l'image privilégiée par l'auteure au fil de ses billets de blog.
Titiou Lecoq, Sans télé, on ressent davantage le froid, Paris, Fayard, 2014.
Le blog de Titiou Lecoq, site des éditions Fayard.
Lu également par Antigone, Chloé Plume de Chat, K79, Lectrice Lambda, Les Lectures du Hibou, Lili et la vie, Miss G, Overbooks, Sans Connivence, Stemilou.
Tu m'as bien rendue curieuse. Je vais aller faire un tour sur ce blog.
RépondreSupprimerBonsoir Gaëtane, merci de ton commentaire, heureux de t'avoir rendue curieuse! Titiou Lecoq a aussi, à son actif, des romans et des essais - et, bien sûr, plein de piges. C'est à essayer!
SupprimerJe te souhaite un bon dimanche.
Je connaissais l'autrice de nom mais pas ce livre qui me tente pas mal. Je me reconnais dans la mise en plage de stratégies d'évitement de certaines situations de contact et j'aime les textes grinçants !
RépondreSupprimerBonjour Audrey! En effet, alors, c'est à découvrir, dans le genre grinçant! Ce livre a été réédité en poche, sous le titre "Chroniques de la débrouille". Bonne semaine et amicales salutations!
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