Dominique Mataillet – Se souvient-on que le substantif français "travail" et le verbe anglais "to travel" ont la même étymologie? Ceux qui aiment traquer les curiosités linguistiques de la langue française se délecteront à la lecture des chroniques recueillies par Dominique Mataillet dans l'ouvrage "On n'a pas fini d'en parler!".
Chronique après chronique, l'auteur multiplie les angles pour considérer ce truc un peu bizarre et passionnant qu'on appelle la langue française. Il y a les tendances lourdes, bien sûr, telles que l'écriture inclusive ou la "nouvelle orthographe", c'est-à-dire celle des recommandations orthographiques de 1991 – sans oublier les anglicismes.
En la matière, le lecteur identifie rapidement que l'auteur se positionne de façon à la fois pragmatique et presque progressiste, quitte à tacler çà et là les puristes, adeptes d'un ferme conservatisme. Il le voit favorable aux anglicismes lorsqu'ils sont un enrichissement (après tout, la langue française s'est depuis toujours nourrie d'apports étrangers), et ouvert au thème de l'écriture inclusive, ne serait-ce que parce qu'elle interroge sur la place du féminin et des femmes dans la langue française.
Anglicismes, ai-je dit? Force est de constater que les rapports entre la langue française et la langue anglaise constituent une constante dans "On n'a pas fini d'en parler". Ce n'est pas un hasard: les textes publiés ont paru dans le magazine "France-Amérique", qui se positionne comme un trait d'union entre la France et les Etats-Unis. Au fil des pages, l'auteur dessine ainsi un jeu d'échanges: certes, les anglicismes semblent envahissants dans la langue française d'aujourd'hui... mais la langue française, de son côté, ne s'est jamais gênée de coloniser la langue anglaise.
L'actualité constitue un autre angle d'attaque, par exemple par le biais des mécanismes qui font naître les surnoms des hommes et femmes politiques français (avis aux bonnes mémoires: qui est "Fraise des bois"?). L'auteur en tire des réflexions sur les figures de style (le même "Fraise des bois" est au rendez-vous lorsqu'on parle d'anaphores...) ou sur ce qu'un mot soudain à la mode peut dire de toute la langue française. Et là, on parle d'une actualité comprise entre 2014 et 2020, où même le (ou la) COVID-19 trouve son strapontin.
Et ça foisonne! Il arrive parfois à l'auteur de citer une pléthore de mots et d'expressions, par exemple autour du cheval, quitte à paraître superficiel: plus d'une fois, le lecteur aurait aimé s'arrêter un instant et savoir comment tel tour de langage a pu voir le jour. Du coup, l'ouvrage "La puce à l'oreille" du regretté Claude Duneton peut s'avérer un complément précieux – dans lequel Dominique Mataillet a d'ailleurs puisé, entre autres sources érudites.
En lisant ces chroniques l'une après l'autre, il est parfois permis, en effet, de se dire qu'il manque quelque chose, que c'est un peu rapide ou pas tout à fait exact et complet – et l'auteur, en journaliste, l'assume, laissant le lecteur flairer plus avant les pistes qu'il lui ouvre en lui montrant bizarreries et nécessaires subtilités. Mais de "Afrique" à "Zoophilie", même les plus férus de la langue française trouveront quelque chose à apprendre au fil des pages de "On n'a pas fini d'en parler!", recueil de chroniques généreusement informées et écrites de cette manière accrocheuse qui est la signature du journalisme.
Dominique Mataillet, On n'a pas fini d'en parler!, Lausanne, Favre, 2022.
Le site des éditions Favre, celui du magazine France-Amérique,
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