Nicolas Feuz – En ce début d'été, Nicolas Feuz quitte Neuchâtel l'espace d'un polar musclé intitulé "Heresix". Et c'est vers le Pays cathare, direction Cap d'Agde, que l'écrivain suisse embarque son lectorat. L'ambiance sera chaude, et pas seulement parce que c'est l'été. Tout commence par six hommes pénétrant nus, énucléés et lacérés dans une église où se déroule l'office de funérailles d'un agent de police... Comment en est-on arrivé là?
S'il est complexe, l'écheveau que constitue l'intrigue de "Heresix" est également habile, délicieusement fallacieux. Il explore tout un monde de violences dont la sexualité, dans ce qu'elle a de dépravé, de non consenti voire d'illégal, peut proposer de plus détestable: parties fines hantées par de précieux dégoûtants, pédophilie monnayée, viol en réunion, rien ne manque du côté obscur.
Tout cela crie vengeance; et surtout, cela appelle une enquête. Celle-ci est menée par un policier énigmatique et ambigu nommé Roustan, victime d'une alopécie maximale. Deux agentes que tout semble opposer collaborent par ailleurs, avec une complicité inattendue. C'est l'occasion d'aborder des thèmes tels que les sentiments dans les métiers de la police ou le détachement désabusé face aux horreurs vues au fil d'une carrière.
Sans tomber dans le piège d'un voyeurisme complaisant, l'auteur ne manque pas de les décrire, ces horreurs. Il y a le sexe et ses échanges de fluides (des larmes et du sang), mais aussi le vicissitudes des victimes – à l'instar de ce bonhomme qui, sans doute, a été catapulté. Du grand cinéma, comme au temps des cathares...
... un temps que le romancier évoque, suggérant un lien possible entre les guerres médiévales contre les hérétiques, menées à grands coups de mangonneau, et les actes violents qui frappent la région en une époque si actuelle qu'elle fait une place discrète aux effets de la crise du coronavirus. Ce ne serait pas dévoiler grand-chose que de dire qu'il y a bien un lien. Mais l'auteur réserve une bonne surprise quant à la nature de celui-ci.
Virtuose et bourré de retournements de situation maîtrisés, fonctionnant sur un rythme haletant, l'intrigue de "Heresix" fait un puissant ménage dans le monde du stupre et des maquereaux. Elle recrée une belle bataille, propice à jeter un jour cru sur les zones d'ombres de chacune et chacun – que ce soit du côté des truands malmenés ou des forces de l'ordre, police ou gendarmerie. Et elle est aussi l'occasion de dénoncer, en musique de fond, les violences faites aux femmes.
Nicolas Feuz, Heresix, Genève, Slatkine & Cie, 2021.
Le site de Nicolas Feuz, celui des éditions Slatkine & Cie.
Lu par Alexandra, Audrey, Badgeekette, Francis Richard, MHF, Nath, Pascal K., Tomabooks.
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