Jan Länden – Le roman policier romand voit émerger un nouvel auteur, Jan Länden, longtemps actif à la police judiciaire genevoise avant d'entrer à la police fédérale. Son premier roman, "Leena", vient de paraître, et force est de constater qu'il faut compter avec lui et son univers. Le lecteur est plongé en effet, et c'est bien le moins, dans une intrigue massive gérée avec virtuosité. Mais de plus, l'auteur n'hésite pas à s'amuser avec ses personnages, ce qui confère un supplément de jus à cet opus.
"Leena" sort le grand jeu pour mettre en scène le très grand banditisme: l'auteur campe une équipe de policiers d'élite genevoise, aux prises avec les criminels les plus habiles et les plus violents d'Europe – tous dépendant d'un "fantôme" à la fois mystérieux et implacable. Le terrain de jeu est donc international: partant de Genève, le lecteur va être baladé des Etats-Unis à la Serbie, en passant par l'Italie. Après Fabio Benoit ("L'ivresse des flammes") et Gianrico Carofiglio ("L'été froid"), en effet, l'auteur de "Leena" lorgne du côté de la mafia italienne – qui, sous ses différentes déclinaisons locales, semble à la mode en ce début 2021.
Et les actes perpétrés sont aussi costauds: aux cambriolages à plusieurs dizaines de millions succèdent les homicides spectaculaires et inexpliqués. L'auteur décrit ces scènes de crime avec une certaine gourmandise, indiquant les vers qui mangent les cadavres qu'on a mis trop longtemps à retrouver, passant un avocat à la moulinette ou montrant une tête envoyée par courrier postal à la police genevoise, dans une boîte en plastique qui fait pschitt quand on l'ouvre.
La police, justement... c'est là que l'auteur se fait plaisir en créant et en faisant interagir des personnages hauts en couleur, constituant une équipe parfaitement soudée, fonctionnant en parfaite complicité sur la complémentarité des talents. Au cœur, se trouve Leena, policière presque trop parfaite, splendide, douée, polyglotte (elle a des racines finlandaises) et surtout dotée d'une intuition hors pair qui fait avancer l'intrigue sur des jeux de circonstances. Tout autour, se trouve une fine équipe de bons vivants qui ne rechigne jamais devant un apéritif ou un restaurant en ville – sans oublier le rituel café ou express, péché mignon de Leena.
L'amusement se prolonge avec les noms de certains de ses personnages, allusions astucieuses à des personnalités connues ou travestissements de noms de famille courants en Suisse romande. Ainsi, s'il y a un avocat nommé Mallant dans "Leena", c'est qu'il y a Marc Bonnant dans la vraie vie... Et si le procureur s'appelle Serbotta, c'est une allusion transparente au magistrat genevois Bernard Bertossa. Une fois que le lecteur l'a compris, il va se faire un délice de tenter de décrypter...
Et si l'intrigue est maîtrisée, allant jusqu'à prendre d'assaut la Trump Tower elle-même, elle laisse au lecteur un petit goût d'inachevé puisque les bandits courent toujours: l'affaire est résolue du point de vue policier, mais le dossier ne saurait tenir face à un juge faute de certains éléments probants. De fait, la question de l'aptitude d'une instruction à être recevable en justice, souci important d'enquêteurs qui n'aiment pas les cold cases, traverse tout le roman "Leena". Ce goût d'inachevé est cependant tempéré par une fin qui suggère que la partie n'est pas terminée – promesse d'un "Leena 2"? On se réjouit.
Jan Länden, Leena, Genève, Slatkine, 2021.
Le site des éditions Slatkine.
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